Homélie du 5ème dimanche de carême Jean 12, 20-33 –
le grain de blé tombé en terre
Cette page de l’évangile est belle et dense. Elle nous
prépare à entrer dans la Semaine sainte d’ici quelques jours dont le sommet
sera la célébration de la fête de Pâques. Mais déjà à travers le récit de la
Passion de Jésus le dimanche des rameaux, nous ferons face à sa mort et nous
pourrions même être éprouvés dans notre foi. En effet, tout porte à croire que
sa mission, à travers l’incrédulité de ses disciples, son rejet par les
autorités religieuses et sa mort sur la croix, présentait toutes les apparences
d’un échec. Comment alors entendre, d’une part, cette parole de Jésus dans ce
contexte, « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. » (Jn
12, 23). D’autre part, comment entendre cette voix venue du ciel qui proclame :
« Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore » ? (Jn 12, 28).
La gloire de Jésus, le Messie, ne sera pas de l’ordre da la
manifestation d’une victoire ou d’une super puissance de sa part comme auraient
pu penser ses disciples en attente de la libération de leur peuple. Aussi
étonnante que cela puisse paraître, sa gloire sera révélée dans son échec et
dans sa mort comme Jésus le laisse apparaître lui-même, « si le grain de blé
tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup
de fruit » (Jn 12, 24). Comme quoi la gloire du Christ, c’est son élévation de
terre nous rappelant aussi sa crucifixion. Ce n’est certes pas un signe d’échec
ou d’abandon du Père à l’égard de son Fils. Mais c’est bien le signe de la
fécondité de sa vie.
Comment comprendre alors que Jésus est le chemin de
fécondité infinie ? Arrêtons-nous sur trois points :
Premièrement, que pouvons-nous retenir du désir de ces Grecs qui étaient venus
à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque quand ils ont dit à Philippe, «
Nous voudrions voir Jésus » ? Nous ne savons pas s’ils étaient juste habités
par une certaine curiosité de rencontrer Jésus dont on parlait tant ou s’ils
voulaient vivre une vraie rencontre avec lui. La réponse donnée par Jésus nous
aide à comprendre qu’il n’est pas un objet de curiosité, en quelque sorte, mais
bien celui à découvrir et à connaître intérieurement qui il est vraiment : le
Fils de Dieu. Cette connaissance intérieure de Jésus, Fils de Dieu, permet de
développer davantage une relation de confiance, d’abandon et d’amitié pour se
laisser façonner par lui grâce à sa parole créatrice et féconde.
Philippe et André ont joué comme pont, comme intermédiaire
entre ces Grecs et Jésus. Nous aussi, nous sommes invités, si cela nous est
donné, à devenir des « Philippe » ou des « André » pour conduire des «
chercheurs de Dieu » vers Jésus. Nous pouvons penser particulièrement aux
catéchumènes qui vont recevoir le sacrement de baptême à la veillée pascale
dont certains ont pu frapper à notre porte en vue de se mettre en route avec
Jésus.
Deuxièmement, à travers la parabole du grain de blé qui
meurt en vue de porter du fruit nous amène à formuler cette question : «
faut-il accepter de ‘perdre’ quelque chose ou de ‘se perdre’ soi-même afin de
‘gagner’ et réussir sa vie? Le mystère pascal du Christ peut nous aider à
trouver quelques éléments de réponse à cette question. En effet, Jésus a
librement choisi de tout perdre en poursuivant sa mission alors même qu’il a
aimé les siens jusqu’au bout (Cf. Jn 13, 1). Or son amour total pour ses
semblables jusqu’à la croix, c’est bien l’expression du don parfait qu’il a
fait de sa vie. Ainsi, nous découvrons qu’il n’y a pas de don de soi sans vivre
un abandon de soi également. Il nous faut vraiment nous tourner vers la mort
même de Jésus pour comprendre ce que veut dire perdre sa vie comme un chemin de
vie. Nous nous souviendrons de la dernière phrase de Jésus sur la croix avant
de mourir, « Tout est accompli » (Jn 19,30).
Jésus se présente à travers la parabole du grain de blé
comme « semence » de vie et « semeur » de vie également. Je pense à tous ces
disciples de Jésus Christ qui l’ont imité afin de devenir euxaussi des «
semences » de vie ou des « semeurs » de vie dans des situations à risque où
parfois ils ont dû payer le prix fort d’eux-mêmes en vue de libérer, de guérir
et de sauver des frères et sœurs sous différentes sortes d’emprise ou de
maladie. Aujourd’hui encore, ils sont parmi nous et nous n’avons qu’à revenir
sur la crise sanitaire qui frappe la planète depuis d’un an et la pandémie que
nous subissons toujours à différents niveaux. Voilà un autre motif de louange
en regardant la croix de Jésus pour affirmer plus que jamais que sa mort n’aura
pas été vaine.
Troisièmement, même s’il y avait très peu de disciples au
pied de la croix au moment de sa crucifixion, je crois que nous pouvons aussi
faire résonner cette parole de Jésus à Golgotha : « Si quelqu’un veut me
servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur… » (Jn
12, 26). Oui, Jésus, le Serviteur des serviteurs, nous fait percevoir à la
croix jusqu’où peut conduire le désir de servir sans pour autant que cela ne
puisse nous freiner. Avec Marie, la mère de Jésus, le disciple que Jésus aimait
ainsi que les autres femmes qui les avaient accompagnés, nous pouvons nous
tenir auprès du Seigneur, Celui que nous voulons aimer, suivre et servir. Ce
sera bien Lui qui nous précèdera dans nos différentes « Galilées », notamment,
nos lieux de mission ou de vie pour vivre la joie de servir.
Chers frères et sœurs, si le grain de blé tombé en terre ne
meurt pas, il reste seul. Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits ».
Retenons encore et toujours que l’arbre fruitier ne mange pas de ses fruits
lui-même. Mais il les offre aux autres pour qu’ils les savourent avec appétit !
Puissionsnous imiter davantage Jésus afin que nous devenions davantage des «
semences ou des semeurs » de vie féconde pour ceux que nous côtoyons chaque
jour. Amen.
Steves Babooram, sj
St-Ferréol