Homélie : 17 février 2021

On peut légitimement se demander aujourd’hui si c’est le moment de faire carême. Ne le fait-on pas depuis un an ? On se prive déjà de restaurants, de voyages, et même de temps spirituels ; on accompagne nos proches dans la maladie, voire les décès ! Mais il est vrai aussi que notre charité s’est faite active pendant tout ce temps.

Alors, pourquoi ce Carême, cette fois-ci ? Il ne vous a pas échappé que cette invitation à pratiquer la prière, le jeûne, le partage se présente sous la forme d’une mise en garde par Jésus, curieusement. Il nous est dit qu’on risque de mésuser de ces bonnes choses ! Pourquoi ? Parce que le regard des hommes s’arrête à la surface, au brillant, au superficiel, (au bling bling…). Et même chacun d’entre nous quête ce regard de l’autre ; nous sommes séduits par tout ce qui caresse l’image idéalisée que nous avons de nous-mêmes. Malheureusement « le moindre repli sur soi, la moindre satisfaction personnelle, furtivement cueillie, suffisent pour obstruer la source de la grâce » dit André Louf, cet ancien abbé de l’abbaye du Mont des Cats, qui continue : « Dieu attend que nous quittions la place du pharisien, de l’hypocrite, pour aller occuper celle du publicain, du pauvre pécheur ». C’est en pécheur qu’il nous faut entrer en Carême, dans la simplicité, la reconnaissance de nos limites et de nos péchés. Qu’importe alors ce qu’il nous faudra quitter comme superflu, comme suffisance, comme susceptibilité, comme surcharge. Il s’agit donc de retrouver la source, la source de la vie. Cette source, c’est le Christ déjà présent en chacun de nous.

Vous savez, nous passons trop de temps à nous inquiéter de nos limites. Alors qu’il faudrait passer plus de temps à dégager la source, à y boire. Prier, jeûner, partager sont évidemment des aides pour retrouver cette cohérence et cette simplicité de vie qui nous est demandée. Nos contemporains sont très sensibles à la motivation de nos comportements et à leur sincérité. Quelle chance ! Car cela veut dire que tous nous pouvons accéder à cette joie d’être réconcilié. Cela ne dépend pas de nos origines, de nos études, de notre argent. Transformons ce carême en temps favorable. St Paul nous y invite : « le Seigneur a mis en nous la parole de réconciliation ». Accueillons la joie du Christ, bon berger, à nous voir disponible et en train de vivre la prière, le jeûne et le partage de manière sincère.

Père Michel Joseph, sj

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Le mercredi des cendres: 17 février 2021

Le Mercredi des cendres, premier jour du carême, est marqué par l’imposition des cendres: le prêtre dépose habituellement un peu de cendres sur le front de chaque fidèle, en signe de la fragilité de l’homme, mais aussi de l’espérance en la Miséricorde de Dieu.
En 2021, il est célébré le mercredi 17 février.

On trouve déjà le symbolisme des cendres dans l’Ancien Testament. Il évoque globalement la représentation du péché et la fragilité de l’être.
La cendre est appliquée sur le front pour nous appeler plus clairement encore à la conversion, précisément par le chemin de l’humilité. La cendre, c’est ce qui reste quand le feu a détruit la matière dont il s’est emparé. Quand on constate qu’il y a des cendres c’est qu’apparemment il ne reste plus rien de ce que le feu a détruit. C’est l’image de notre pauvreté. Mais les cendres peuvent aussi fertiliser la terre et la vie peut renaître sous les cendres.

Cette année c’est le premier mercredi des cendres en temps de pandémie:
« Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

Le prêtre n’impose pas les cendres sur le front des fidèles mais  
«Le prêtre prend les cendres et les laisse tomber sur la tête de chacun, sans rien dire.»

L’homélie du P.Michel Joseph sj

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Homélie: 14 février 2021

Loin du séparatisme, Jésus réintègre le lépreux

Cet Evangile de Marc nous raconte de nouveau un récit de guérison. Mais pas n’importe laquelle, Jésus guérit un lépreux, celui qu’on montre du doigt pour s’en écarter.

Or la lèpre, à cette époque, était considérée comme une impureté qui excluait le malade, non seulement de la vie sociale, mais de la société religieuse. Le lépreux était censé se trouver sous le coup d’un châtiment divin et mis au ban de la société. Bien sûr il y avait les risques de contagion. Et nous sommes bien au courant des problèmes de contagion avec le virus d’aujourd’hui qu’il soit britannique, sud-africain ou brésilien.

Mais le sens de cet Evangile n’est pas sanitaire, il touche la communauté. Il touche quelqu’un qui est mis au ban de la communauté et que Jésus va réintégrer.

En réfléchissant sur cet Evangile, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qui se passe ces jours-ci à l’Assemblée nationale où l’on discute de la fameuse « loi sur le séparatisme ». Je ne veux pas soulever ici des polémiques politiques, mais proposer rapidement une réflexion morale, ce que nous devons tous faire devant un projet qui n’est pas complètement mauvais mais qui peut poser certains problèmes. C’est un projet considérable, 51 articles sur 469 pages. On le trouve sur Internet bien évidemment.

Il vise essentiellement l’islamisme, encore faudrait-il préciser l’islamisme politique. Mais en faisant une loi de ce type, le texte atteint toutes les religions parce que faisant des projets pour les musulmans, il parle en fait de toutes les religions et vient changer l’esprit de la Loi de 1905. L’esprit de la Loi de 1905, c’est une séparation entre les religions et l’État, une séparation qui a été salutaire pour tout le monde. Les religions n’ont pas à imposer leurs valeurs à l’Etat, et l’État n’a pas à se mêler des valeurs des croyants.

Or dans ce texte précisément on invite les associations qui reçoivent des subventions, comme les scouts, les mouvements de jeunesse, les associations sociales ou caritatives, à signer un « contrat d’engagement républicain », c’est-à-dire à intégrer des valeurs de la République dans leur fonctionnement. Depuis quand l’État peut-il imposer des valeurs à des associations ? Ce contrat est d’autant plus déplacé qu’il y a déjà une multitude de législations qui protègent contre la discrimination, contre la violence, contre la polygamie, etc.

Le deuxième problème de ce projet est que tous les cultes vont être surveillés de beaucoup plus près. Les associations diocésaines de l’Eglise catholique devront obligatoirement demander des autorisations tous les cinq ans au préfet, ce qui peut créer des occasions de contrôle qui viennent limiter la liberté d’exercice des religions. Et pourtant, tous les garde-fous existent déjà pour que les lieux de culte, qu’ils soient catholique, juif ou musulman, ne débordent pas de leur propre fonction. Ainsi ce projet de loi a une manière de jeter le soupçon sur les pratiquants, et surtout sur ceux qui sont très pratiquants.

Les évêques français sont bien au courant de tout cela et discutent de ce sujet avec les députés, mais je voulais simplement attirer votre attention sur l’importance de ce genre de loi et sur la vigilance qu’il faut garder. Nos sociétés n’ont pas besoin de divisions supplémentaires, ni de chasse aux sorcières. Elles n’ont pas besoin que l’on montre du doigt des individus particuliers ou des groupes d’individus. De multiples lois existent, elles doivent être appliquées avant de se lancer dans des projets qui peuvent être très ambigus.

Pour revenir au texte de notre Évangile, Jésus ne reste pas à distance du lépreux. Il ne le laisse pas dans une catégorie séparée. Il va enfreindre la loi en le touchant malgré cette impureté fondamentale. Il va le guérir et l’envoyer aux prêtres pour qu’il soit réintégré. Car il fallait que la guérison soit homologuée par un prêtre, et à ce moment-là, il pouvait être réintégré.

En enfreignant la loi lui-même, Jésus réintègre le lépreux dans la communauté, au lieu de s’en séparer. Car c’est le plus important. Certes il est guéri de sa lèpre, mais surtout, la communauté est capable de l’intégrer sans peur ni soupçon. Une belle leçon pour aujourd’hui.

Pierre de Charentenay
14 février 2021

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