Dans la deuxième lecture [1 Jean 3, 1-3], le jour de la Toussaint, nous entendrons proclamer : « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement ». Cette espérance qui se réalise déjà est celle de chacun d’entre nous, car nous sommes tous déjà « enfants de Dieu » et à ce titre nous participons déjà à la sainteté de Dieu.
La fête de la Toussaint n’est donc pas uniquement une fête pour se souvenir des merveilles de Dieu accomplies hier à travers quelques-uns [même si les saints canonisés sont très nombreux], mais c’est bien notre fête à tous, désireux aujourd’hui de toujours laisser percevoir l’œuvre de Dieu dans nos vies. Certes, il y a encore un chemin à parcourir mais l’important n’est pas la fin du voyage [elle est entre les mains du Père qui nous aime] ; ce qui compte, c’est notre manière de voyager, autrement dit notre manière d’être homme ou femme dans la société, s’efforçant de laisser entrevoir qui est Dieu, quel est son amour, quel bonheur il veut pour chacun. Nous sommes déjà « sacrements de la sainteté de Dieu ». Un sacrement est un signe visible qui dit une réalité invisible qui le dépasse de toutes parts. Quand nous œuvrons dans la société – comme citoyens… en famille comme père, mère, frère, sœur, fils ou fille… sur le lieu professionnel comme collègues, cadres, employés, entrepreneurs… dans notre communauté chrétienne quels que soient notre état de vie et notre service [ministère]… – pour que la volonté de Dieu, révélée en sa Parole, soit toujours plus manifeste, nous sommes sacrements de la sainteté de Dieu.
De ce fait, la fête de la Toussaint est une action de grâce pour ce que Dieu fait / a fait en nous, par nous [parfois à notre insu] et une espérance, car à cette lumière nous sentons que nous sommes invités à aller plus avant encore en cette intimité divine qui se dira à travers notre quotidien le plus banal. La sainteté n’est pas un exercice où il nous faudrait constamment flirter avec l’impossible, mais elle est une manière de vivre le possible, en nous laissant guider par l’Esprit dont le fruit est : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi » [Galates 5, 22-23].
Dès lors des saints, nous en croisons chaque jour, comme le rappelait le Pape François lors de l’audience générale du 14 mai 2014 : « Nous aussi, nous tous, nous connaissons des personnes qui ont vécu des situations difficiles, beaucoup de souffrance. Mais pensons à ces hommes, à ces femmes qui mènent une vie difficile, qui luttent pour faire vivre leur famille, éduquer leurs enfants : ils font tout cela parce que l’Esprit de force les aide. Tous ces hommes et ces femmes – nous ne savons pas leur nom – qui honorent notre peuple, qui honorent notre Église parce qu’ils sont forts : forts pour mener leur vie, leur famille, leur travail, pour vivre leur foi. Ces frères et sœurs sont des saints, des saints au quotidien, des saints cachés parmi nous : ils ont précisément le don de force pour accomplir leur devoir en tant que personnes, leur devoir de pères, de mères, de frères, de sœurs, de citoyens. Ils sont très nombreux. Remercions le Seigneur pour ces chrétiens dont la sainteté est cachée : c’est l’Esprit-Saint qui est en eux et qui les pousse ».
Ouvrons les yeux pour contempler la sainteté de Dieu qui traverse notre vie, sans oublier que cet appel à la sainteté concerne chacun, comme le rappelait/rappelle le concile Vatican II : « Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang ; dans la société terrestre elle-même cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence. Les fidèles doivent appliquer les forces qu’ils ont reçues selon la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que marchant sur ses traces et devenus conformes à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du peuple de Dieu s’épanouira en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat l’histoire de l’Eglise par la vie de tant de saints » [Lumen gentium, n. 40].
Alors la fête de la Toussaint peut être un temps pour se réjouir pour ceux qui sont la trace de Dieu sur nos chemins et nous réjouir aussi d’être déjà sur cette route. Dieu nous précède. Marchons avec lui, comme des « enfants » avec leur Père.
Jean-Luc RAGONNEAU s.j