Homélie du 25 décembre 2024
Pourquoi l’Eglise propose-t-elle de lire le prologue de Saint Jean en ce jour de Noël ? Pendant les quatre semaines de l’Avent, nous nous sommes préparés à cette fête. Depuis le 17 décembre, nous lisons les récits d’annonciations à Zacharie, Joseph, Marie… Ceux qui sont venus cette nuit ont entendu le long récit de Saint Luc qui raconte comment Jésus est né. Qu’est-ce que le prologue de Saint Jean peut nous apprendre de plus ?
Il y a une réponse simple à cette question. Il suffit de relire le verset 14 :« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » Encore faut-il bien le comprendre. Jean l’explique lui-même : « AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu ». Jean fait référence au livre de la Genèse qui raconte l’origine du monde : « AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre. » (Gn 1,1). Dieu crée par sa parole. Sa parole était donc au commencement : « La parole était auprès de Dieu. La parole était Dieu ». La bonne nouvelle de Noël, c’est que La parole s’est faite chair, c’est-à-dire que Dieu a habité parmi nous, littéralement qu’il a posé sa tente au milieu de nous. Nous avons pu voir sa gloire, comme les bergers de la nuit de Noël, comme Joseph et Marie.
Cette hypothèse est intéressante, mais ce verset n’est pas la pointe du prologue. Les exégètes nous disent que la pointe est au centre du prologue. Celui-ci est une hymne, comportant 5 couplets, chaque couplet renvoyant à un autre. Le seul couplet qui n’a pas son pareil, c’est le couplet central qui dit : « Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. » (Jn 1, 13)
Nous sommes « nés de Dieu ». Voilà pourquoi l’Eglise nous fait lire le prologue le jour de Noël. Mais, qu’est-ce que cela veut dire ? C’est la question que Nicodème pose à Jésus. Jésus y répond en disant : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » (Jn 3, 16). Marie a cru en lui et « désormais tous les âges la déclare bienheureuse » (Lc 1, 48). Joseph a cru en lui. Les bergers ont cru en lui. Et nous ?
Au 17ème siècle, le franciscain Angelus Silésius écrivait : « Jésus pourrait naître mille fois à Bethléem, s’il ne naît en ton cœur, cela ne sert à rien ». Alors, Jésus peut-il naître dans nos cœur cette année ? « A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné l’autorité de devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. » Autorisons-nous à devenir des enfants de Dieu. Nous le serons par la foi. Ce sera notre cadeau de Noël 2024.
Bertrand Hériard
Homélie de la veillée de Noël 2024
Jésus est né entre deux voyages forcés. Un premier voyage a conduit Joseph et Marie de Nazareth à Bethléem, à quelques journées de marche. Voyage forcé, car l’empereur Auguste avait ordonné que les chefs de famille se fassent recenser dans leur ville d’origine. Mais que ces kilomètres ont dû être longs et pénible pour Marie qui était sur le point d’accoucher ! Le deuxième voyage forcé, entre Bethléem et l’Égypte aura lieu après la visite des mages. Dans un accès de folie, Hérode le Grand, par peur de perdre son pouvoir, va faire tuer les premiers-nés des familles juives, obligeant ainsi Marie et Joseph à partir précipitamment avec leur bébé dans les bras. Jésus est né en chemin, à Bethléem, entre le foyer parental de Nazareth et l’exil en terre égyptienne, comme un réfugié, balloté d’un endroit à l’autre.
Autre fait marquant, Jésus est né dans la solitude, dans le dénuement le plus complet. Le texte nous dit clairement que Marie a mis au monde son fils premier-né, qu’elle l’a emmailloté et couché dans une mangeoire. Si nous y réfléchissons un instant, ce n’est pas normal qu’une femme qui accouche emmaillote son enfant et qu’elle le mette dans son berceau. C’est le rôle des sage-femmes. Si Marie l’a fait, comme nous l’affirme Luc, c’est donc qu’elle a accouché seule ! Ce devait être là une épreuve terrible. Les mamans dans notre assemblée peuvent éprouver mieux que quiconque ce que cela représente comme source d’angoisse. Voilà comment est né le prince de la paix : dans la solitude, la précarité et le rejet, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune, dans le gymnase du coin ou le centre d’accueil d’urgence pour les sans-abris, dirait-on aujourd’hui !
Marie a déposé, nous dit le texte, son nouveau-né dans une mangeoire, c’est-à-dire dans une dépendance d’une maison ou d’une ferme. On peut voir encore aujourd’hui des mangeoires dans les champs, non loin d’une ferme. D’ailleurs, connaissez-vous l’origine du mot “crèche“ ? Il vient de l’ancien allemand et veut dire tout simplement “mangeoire“. Jésus, Dieu fait homme, est né dans une mangeoire, Il s’est fait en quelque sorte nourriture. Un bébé vulnérable, une hostie de pain au creux de nos mains transformées en mangeoires… Quelle incroyable naissance !
On aurait pu en rester là et on n’aurait rien su de la naissance du Messie. Mais il y a eu cette annonce faite par les anges aux bergers. C’est la troisième annonciation en ce début de l’évangile de Luc, après l’annonce faite à Zacharie de la naissance de Jean-Baptiste et celle faite à Marie. La troisième annonce est transmise par les anges aux bergers. Dans la société juive de l’époque, il faut bien avoir cela en tête, les bergers étaient les moins que rien, incapables de travailler aux champs ou dans la construction. On les envoyait garder les moutons ; c’était un travail facile, quoique souvent dangereux. Or ces moins-que-rien vont être les bénéficiaires de la Bonne Nouvelle : “un sauveur vous est né, le Christ, le Seigneur !“
Ils vont être les premiers à diffuser la Bonne Nouvelle, comme les femmes seront les premières à annoncer la résurrection du Christ ! D’autres viendront adorer et s’émerveiller, dont les mages, et puis d’autres et puis d’autres encore à travers les siècles, tant de personnes qui vont peu à peu peupler notre crèche, notre mangeoire. Nous fêtons les 800 ans de l’invention de la crèche. Nous devons à Saint-François d’Assise et aux premiers franciscains ce merveilleux cadeau. Dans nos crèches provençales, il y a de la place pour tout le monde. Il n’y a pas seulement Marie, Joseph, Jésus, les bergers et les mages, mais toutes sortes de personnages, toutes sortes de villageois qui s’approchent du mystère ou qui se restent à distance. Toutes sortes de métiers et d’activités y sont représentés. En cette période de Noël, prenons le temps de nous arrêter de longs moments devant nos crèches, prenons le temps de nous émerveiller. Saint Ignace nous invite dans la contemplation de la Nativité dans les Exercices Spirituels, à trouver notre place dans la crèche comme une petite servante ou un petit serviteur qui vient servir Jésus, Marie et Joseph.
Alors comment servir Jésus aujourd’hui si ce n’est en servant les réfugiés ballotés entre deux guerres, ceux qui sont seuls dans la rue, ceux qui sont abandonnés ? Nous pouvons leur apporter un peu de réconfort pour que Noël soit une fête pour tous. Admirons la crèche, mais n’oublions pas la mangeoire initiale, la solitude et la vulnérabilité de Celui qui s’y donne en nourriture. Retournons à ce dépouillement, à cette simplicité, à cette humilité de Dieu qui vient prendre chair dans le plus grand dénuement et la plus grande solitude. Laissons-le nous rejoindre dans les pauvretés de nos vies. Alors nous pourrons chanter avec les anges : “gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix aux hommes qu’il aime !“ Nous deviendrons alors à notre tour des anges, c’est-à-dire des messagers annonciateurs du Prince-de-la-Paix dans notre monde qui en a tant besoin. Amen.
Église Saint-Cannat, Marseille, le 24 décembre 2024.