Homélie de la nuit de Noël: Luc 2, 1-14

Quels sont les cris que nous entendons depuis des mois et des mois, sinon depuis ces derniers temps, qui expriment les différents maux – m.a.u.x. sous toutes ses formes ? D’ailleurs, certains pourraient dire, « pourquoi avoir illustré quelques-uns de ces maux ou de ces cris à travers ces photos comme toile de fond de notre crèche provençale ?
Cette période de Noël nous invite plus à émettre plutôt des cris de joie ! Des cris de joie comme celui d’un enfant qui va recevoir un beau cadeau tant espéré ou inattendu ! Comme cette dame de la rue portant un cadeau qui m’a dit dernièrement que cela faisait des années qu’elle n’avait rien reçu pour la fête de Noël. Ou alors ce papa que j’ai rencontré hier lors d’une messe de Noël que j’ai célébrée dans une maison de personnes âgées. Je l’ai vu heureux comme son fils d’ailleurs ; il ne l’avait pas revu depuis 6 ans !
C’est bien pour ces cris de joie, de reconnaissance, de solidarité et de fraternité que nous sommes aussi réunis ce soir en communauté de croyants célébrant l’Emmanuel, Dieu-avec-nous ! En même temps, ces cris de joie ne peuvent pas nous empêcher de penser à ces autres cris qui se veulent être aussi un « appel à l’amour ».

Dans les Exercices Spirituels de St Ignace, il nous est dit qu’Ignace propose au retraitant dans la contemplation du Mystère de l’Incarnation de s’arrêter sur les trois personnes divines, le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Et ces personnes regardent la surface de la terre et voient ce qui s’y passe : le chaos sous toutes ses formes : violence, guerres, divisions, mensonge, exploitation, injustice, etc…. Et elles décident que le Fils viendra sur terre pour sauver l’humanité entière.
« Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » Jn 1, 14. C’est ce que nous avons cherché à traduire modestement à travers notre crèche de l’« Appel à l’amour » et la mise en scène pendant la veillée de Noël à laquelle nous venons de participer.
Saint Jean nous rappelle que Dieu est Amour et c’est par Amour que le Fils est venu dans notre monde pour nous sauver, nous libérer de tout ce qui nous empêche d’aimer et d’agir avec amour.
Mais Lui, Jésus, – Le Seigneur sauve -, quelle bonne nouvelle nous donne-t-il à travers sa naissance, Lui que nous contemplons dans une mangeoire à la crèche ? « Une étable est son logement. Un peu de paille est sa couchette. Pour un Dieu, quel abaissement, quel signe d’humilité ! » Chantons tous ensemble avec le p’tit-choeur, « Il est né le divin enfant »… !

Chers frères et soeurs, en ce soir de Noël, le signe que Dieu nous donne comme Bonne Nouvelle est bien celui de l’humilité et de la petitesse. Il se fait petit en venant changer le cours de l’histoire tout en apportant le salut.
Le pape Francois, dans la contemplation de la crèche, nous dit : « Dieu ne chevauche pas dans la grandeur, mais descend dans la petitesse. La petitesse est la voie qu’il a choisie pour nous rejoindre, pour toucher notre coeur, pour nous sauver… Laissons-nous traverser par cet étonnement scandaleux. Celui qui embrasse l’univers a besoin d’être tenu dans les bras. Lui, qui a fait le soleil, a besoin d’être réchauffé. La tendresse en personne a besoin d’être choyée. L’amour infini a un coeur minuscule, aux faibles battements.
La Parole éternelle est enfantine, c’est-à-dire incapable de parler. Le Pain de Vie doit être nourri. Le Créateur du monde est sans demeure. Aujourd’hui, tout est renversé : Dieu vient petit dans le monde. Sa grandeur s’offre dans la petitesse. ».
Voilà le défi de Noël pour nous aujourd’hui. Comment croire en ce Dieu qui n’épouse pas la logique mondaine où tout peut nous faire croire que les honneurs, le paraître et les grandeurs font partie des conditions pour réussir sa vie et pour réussir dans la vie ? Si nous décidons alors de suivre le Seigneur, il nous faudra nager à contre-courant comme le saumon remontant la rivière pour une bonne cause ! Pas facile et pas évident, et pourtant, tout est possible !
Le chemin que Jésus, l’Emmanuel nous dessine encore aujourd’hui, c’est de poursuivre nos actions et notre vivre-ensemble dans le quotidien ordinaire de nos vies. Le Seigneur s’identifie aux humbles et nous rejoint dans nos vulnérabilités et nos fragilités pour nous remettre debout. Et en même temps, ils nous invitent à le rejoindre pour poursuivre son oeuvre de salut et d’amour .
Ce soir, un appel à l’amour nous est lancé à travers ce coeur rempli de différentes attitudes et d’actions à mettre en oeuvre pour que le message d’espérance, apporté par Jésus, trouve toute sa signification. Des photos dans le fond de la crèche donnent déjà le ton… Le p. François Varillon nous dit, « Ce qu’il faut chercher, c’est l’amour. La conséquence de l’amour, c’est la joie ».
Si cela vous est donné, que notre réponse « Me voici » à l’appel à l’amour et que la joie qui nous habite en cette période de Noël soit aussi la joie de notre Dieu comme nous le rappelle le prophète Isaïe, « Tu seras la joie de ton Dieu. » Is 62,5. Amen.

Steves Babooram, sj
St-Ferréol, le 24 décembre 2022

Homélie du 4 décembre

Le temps du désir de Dieu
Mat 3, 1-12 et Isaïe 11, 1-10

« Engeance de vipères ». Jean-Baptiste se fait très menaçant. Il apostrophe les sadducéens et les pharisiens avec des termes particulièrement virulents : « engeance de vipères ». Il se bat contre ceux qui ne veulent pas se convertir. Et plus loin, il dit aussi : « tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu ». On voit bien qu’il essaye d’inciter à la conversion, en faisant peur, en bousculant ses interlocuteurs.
Parfois, cette stratégie est utile. C’est une méthode qui peut marcher. En ayant peur, on commence à réfléchir. Mais pour nous aujourd’hui le stratagème apparaît quelque peu excessif. Nous n’avons pas besoin d’être encore bousculés. Nous sommes en effet déjà largement assommés par de mauvaises nouvelles de toutes sortes, et on n’a pas besoin de se faire sermonner une fois de plus : dans l’Eglise, nous apprenons chaque semaine avec effarement de nouvelles révélations qui touchent des évêques ou des prêtres. Dans le monde, nous assistons impuissant à la destruction de l’Ukraine et du peuple ukrainien. Et chez nous, nous voyons les difficultés sociales s’accumuler, avec de multiples personnes qui dorment sur les trottoirs, parfois à côté de nous, à Marseille. Les chrétiens, comme tout le monde, sont fatigués de toutes ces mauvaises nouvelles ; ils deviennent sourds au langage de la menace. Ce n’est pas ainsi qu’ils vont se tourner vers la foi et vers l’action. Ils se sentent plutôt écrasés.
Une autre pédagogie doit être employée, c’est celle de la promesse et du désir du Seigneur, tel que le livre d’Isaïe le montre. Nous avons aujourd’hui besoin d’être encouragés. Nous avons besoin de savoir que la route que nous prenons nous mène à des situations nouvelles, pleine de paix et d’espoir. Isaïe nous le dit, avançons vers le respect des plus petits. Travaillons en faveur des humbles qui nous entourent. Avançons vers la réconciliation entre ennemis, avec ces images magnifiques : « le loup habitera avec l’agneau ; le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble »
Pour cela, la figure de celui qui va naître dans la crèche est comme une lumière qui peut attirer notre attention : ce rejeton, fils de David, aura un esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force : voilà tout ce dont nous avons besoin. Ce n’est pas le moment de nous laisser écraser par tous ces événements, ou d’être comme les trois singes japonais : l’un met les mains de devant la bouche pour ne pas parler, l’autre les met sur les oreilles pour ne pas entendre, le troisième les met sur les yeux pour ne pas voir. Cette attitude ne reflète pas le désir d’être présent au monde. Ce n’est pas le moment non plus de jouer les autruches qui mettent la tête dans le sable.
C’est au contraire le moment de regarder devant nous et de nous préparer à affronter ce présent que nous traversons. Nous avons besoin de cet esprit de discernement qui ne se laisse pas impressionner par les circonstances extérieures mais qui pèse le pour et le contre dans l’écoute de ce que Dieu nous indique. L’exercice du discernement nous rend acteur de notre vie et acteur dans ce monde.
Nous avons ainsi besoin de cultiver notre désir de Dieu dans cette période de l’Avent, désir de paix, désir de bien, désir de beau. En faisant grandir ce désir en nous, nous trouverons les énergies qui nous manquent pour affronter le monde d’aujourd’hui afin d’y mettre un peu de la joie et de la force de Noël.

Pierre de Charentenay, sj
St-Ferréol, le 4 décembre 22

Message du cardinal Jean-Marc Aveline: 10 novembre 2022

Chers amis,

Le communiqué du Cardinal Jean-Pierre Ricard a suscité dans notre diocèse de nombreuses réactions de stupeur, de douleur et de peine. Rentré de Lourdes hier soir, je partage avec vous le choc que cela peut représenter pour chacun d’entre nous, notamment ceux qui, comme moi, connaissent bien Jean-Pierre Ricard.

Nous ne sommes ni des procureurs, ni des censeurs : la justice, tant civile que canonique, va suivre son cours. Pensons avant tout à la victime, à sa famille et à tous ceux qui partout en France se sont sentis blessés.

Au cœur de la peine et de la tristesse que suscite un tel drame, ma prière se tourne vers l’Esprit-Saint, afin qu’il nous guide, nous guérisse et nous console. Je me tiens avec vous.

Marseille, le 10 novembre 2022

 + Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille