« Tends ta main au pauvre »

Message du Saint-Père pour la Journée mondiale des pauvres le 15 novembre 2020 : « Tends ta main au pauvre ».

« Tends ta main au pauvre » (Si 7, 32). La sagesse antique a fait de ces mots comme un
code sacré à suivre dans la vie. Ils résonnent encore aujourd’hui, avec tout leur poids de
signification, pour nous aider, nous aussi, à concentrer notre regard sur l’essentiel et à
surmonter les barrières de l’indifférence. La pauvreté prend toujours des visages
différents qui demandent une attention à chaque condition particulière : dans chacune
d’elles, nous pouvons rencontrer le Seigneur Jésus qui a révélé sa présence dans ses
frères les plus faibles (cf. Mt 25, 40).

1. Prenons entre les mains le texte du Livre de Ben Sira, un des livres de l’Ancien Testament. Nous y trouvons les paroles d’un maître de sagesse qui a vécu environ deux cents ans avant le Christ. Il était en recherche de la sagesse, celle qui rend les hommes meilleurs et capables de scruter à fond les événements de la vie. Il le faisait à un moment de dure épreuve pour le peuple d’Israël, un temps de douleur, de deuil et de misère, à cause de la domination de puissances étrangères. Étant un homme de grande foi, enraciné dans les traditions des pères, sa première pensée était de s’adresser à Dieu pour lui demander le don de la sagesse. Et l’aide du Seigneur ne lui manqua pas.

Dès les premières pages, le Livre de Ben Sira donne des conseils sur de nombreuses situations concrètes de la vie, et la pauvreté en est une. Il insiste sur le fait que, dans le besoin, il faut avoir confiance en Dieu : « Ne t’agite pas à l’heure de l’adversité. Attache-toi au Seigneur, ne l’abandonne pas, afin d’être comblé dans tes derniers jours. Toutes les adversités, accepte-les ; dans les revers de ta pauvre vie, sois patient ; car l’or est vérifié par le feu, et les hommes agréables à Dieu par le creuset de l’humiliation. Dans les maladies comme dans le dénuement, aie foi en lui. Mets ta confiance en lui, et il te viendra en aide ; rends tes chemins droits, et mets en lui ton espérance. Vous qui craignez le Seigneur, comptez sur sa miséricorde, ne vous écartez pas du chemin, de peur de tomber. » (2, 2-7).

Lire le message

« Béatitudes 2020 », éclairage du P. Vincent Klein sj

Un profond silence se répand comme une huile sur la plaie béante offerte au soin de tes mains délicates et expertes.
Dans l’anfractuosité des cœurs brisés s’éprouve l’indigence où Tu prononces une seule parole : heureux !

L’humanité pleure, sidérée par la violence fanatique, la solitude de l’abandon et la détresse de la mort innocente.
Et Toi, tu viens t’asseoir discrètement à nos côtés, présence consolante qui murmure dans la béance de l’orifice : heureux !

La haine et la vengeance défigurent l’humanité, la douceur et la bonté ressemblent à des épées de bois.
Toi pourtant, tu nous redis la folle promesse d’une terre : heureux !

Des années de colère refoulée devant tant de souffrance et d’injustice mettent l’estomac en boule.
Mais Toi, faisant fi de la faim et la soif, tu nous conduis vers la source : heureux !

Même si justice est faite, comment pardonner ? Toi, tu nous invites à refuser la haine et à garder nos maisons pauvres et accueillantes.
À travers nos frères, tu viens à notre rencontre : heureux !

Une orgie d’images de chair et de sang déferle sur nos écrans et des torrents de paroles futiles. Elles sont autant d’invitations à prendre le maquis…
Et là, comme à Job, Tu nous donnes de contempler la création : heureux !

Ton feu dévorant nous pousse à nouveau, dérisoires bâtisseurs de ponts aux mains nues, à construire des chemins de paix.
Peu à peu, mystérieusement, nous devenons frères, fils d’un unique Père : heureux !

Alors, au-delà des persécutions, des insultes ou des condamnations, Tu nous redis, si nous nageons à contre-courant, le chemin de la joie pascale. Elle plonge ses racines dans le silence d’où jaillit une parole que les larmes ont polie : heureux !

P. Vincent Klein sj

Homélie du P. François-Xavier Le Van: Toussaint 2020

Notre chemin de sainteté

L’Evangile du jour nous ouvre un chemin du vrai bonheur encore appelé béatitude. Il bouleverse nos schémas habituels du bonheur car il est difficile d’imaginer que la pauvreté, la tristesse, la douceur, la compassion, la persécution … représentent un chemin de béatitude. Ces images, nous les recevons de la société ambiante où l’on se bat pour être riche, pour rire, pour vivre aisément, quitte à écraser les autres, à les persécuter pour emporter le morceau. 

    Certes nous connaissons des gens, pas forcément des religieuses ou des prêtres mais aussi des laïcs de toutes catégories qui un jour décident de vivre pauvrement, de ne pas chercher le haut de l’échelle, de se battre pour la justice en acceptant d’être rejetés, ignorés voire maltraités. Ces personnes connaissent un vrai bonheur, celui qu’ont connu les saints, c’est-à-dire d’être en communion avec Dieu.

    Mais voilà, qu’en est-il de ceux qui n’ont pas choisi d’être pauvres, d’être malheureux, de se retrouver dans des difficultés. Est-ce que cet évangile est aussi pour eux, est-ce qu’il n’est pas seulement qu’un appel mais aussi une bonne nouvelle pour tous ceux qui souffrent. Est-ce que cet évangile nous concerne, nous aussi, nous qui entrons en reconfinement sans l’avoir choisi ? J’ose affirmer que oui car c’est le Christ qui l’a annoncé à tous les pauvres, les malades, les prisonniers de son temps et il le fait encore pour nous aujourd’hui.

    La manière d’annoncer du Christ est propre à lui. Il ne le fait pas du haut de son palais, ni d’une vie de charpentier réussi, ce qui correspond à la classe moyenne d’aujourd’hui. Il le fait en étant vagabond, sans pierre où poser sa tête, vivant dans la générosité des sympathisants. Il a connu la faim, ce qui l’a amené à manger des épis dans les champs, il a connu la soif ce qui lui a fait demander de l’eau à la Samaritaine. Et c’est en vivant la vie des itinérants que sa parole est crédible auprès de ceux qui sont des situations difficiles, sans issue, car il les comprend de l’intérieur.

    Que cherche Jésus en annonçant cette Bonne Nouvelle aux mendiants, aux malades, aux journaliers ? Non pas une révolution contre les riches, ni une révolte contre l’occupant romain qui les empêche de vivre leur liberté. Son message est simple. Quel que soit votre état, vous êtes aimés de Dieu, son père. La compassion du Père déborde de Jésus pour dire au peuple qu’ils ont tous la dignité des enfants de Dieu, de la même manière que lui, Jésus. Désormais, ceux qui accueillent cette Bonne Nouvelle ne sont plus écrasés par leurs dettes, les mépris des riches, la souffrance de leur état. Cette dignité les fera se redresser, puiser en eux-mêmes la force pour tenir et se battre parce qu’ils se sentent aimés du Père.

    Nous voici au seuil du deuxième confinement. Sans doute les souvenirs du premier nous reviennent, des bonnes et des catastrophiques. Abordons-le de manière nouvelle en nous donnant une visée : profitons de ce temps pour nous retourner à Dieu, pour l’accueillir dans le silence de notre vie, au-delà des contraintes et des pertes de liberté. Il s’agit bien d’apprendre à vivre une sobriété heureuse et l’occasion des contraintes pourrait être un moteur pour transformer ce qui est pénible en source de bonheur. Nous vivrons aussi des moments difficiles à cause de la distance avec nos proches, de la perte d’activités devenues impraticables, ou encore du sentiment d’enfermement entre 4 murs qui peuvent générer parfois de l’angoisse, de la colère. N’oublions pas que le Christ est bien à nos côtés. Le Christ a vécu ses conditions humaines, avec ses limites et ses contraintes. Confions-lui nos misères car il peut nous entendre et nous comprendre car il est passé par là. Nous avons entendu, il n’y a pas si longtemps, le Christ parler de ses angoisses devant sa mort. Il portera avec nous nos misères. Cherchons aussi à vivre le moment présent où le Christ est bien présent et se donne à nous et nous sort de notre solitude. Alors, allégés de ce poids qui pourraient peser sur nos épaules, nous pouvons porter nos regards au-delà de nos frontières, vers ceux qui souffrent aussi de cette pandémie comme les malades, les soignants, les sans-logis, qui sont sur le chemin de nos courses alimentaires.

Prions en cette fête de la Toussaint, en temps de pandémie et de confinement pour que le Seigneur nous donne de nous convertir à l’essentiel et de porter nos regards vers ceux qui sont sur nos chemins afin de faire un geste de solidarité pour et avec eux.

François-Xavier LE VAN