Homélie de la messe de la nuit de Noël

Qui l’aurait dit ? Nous avions peut-être eu, tous, des projets pleins la tête à réaliser au cours de cette année 2020 et nous pensions pouvoir lui donner en cette fin de décembre un 20/20, ou presque, avec mention ! Qu’en est-il en réalité au moment où nous célébrons la fête de la Nativité ?

Le bilan est lourd tant sur le plan sanitaire, psychologique, sécuritaire, socio-économique, politique, etc… Nous en sommes tous encore affectés d’une manière ou d’une autre. Visiblement, nous ne sommes pas encore sortis du tunnel même s’il y a quelque lueur d’espoir prochainement pour contre-carrer les méfaits néfastes et mortels de ce virus qui a paralysé toute la planète.

C’est dans ce contexte donc que nous sommes entrés dans la période de l’Avent qui nous conduit ce soir à célébrer Noël, la naissance de notre Seigneur et Sauveur. Au cœur de nos peurs, de nos inquiétudes, de nos sentiments d’inconfort et d’insécurité, nous pouvons entendre les paroles de l’ange aux bergers, « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple… vous trouverez un nouveauné emmailloté et couché dans une mangeoire. (Luc 2,10.12 »).

Chers amis, les sentiments qui nous troublent, les difficultés et les épreuves que nous avons traversées ou que nous vivons encore peuvent être comprises comme les ténèbres dont parlent le prophète Isaïe dans la première lecture. Nous sommes invités à les quitter ou plutôt à essayer d’être habités par la joie de Noël au cœur même de ces moments ou de ces situations difficiles que nous vivons ces jours-ci. Oui, « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. » (Isaië 9, 1)

L’enfant Jésus de la crèche est bien la lumière qui nous est donnée pour enlever de nos vies toutes les zones d’ombre qui peuvent exister. Dans le prologue de Saint Jean, il nous est rappelé qu’« en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. (Jean, 1, 4-5)

Prenons un moment et contemplons l’enfant Jésus couchée dans la mangeoire à la crèche. Que voyons-nous ? Qu’est-ce que cette vue évoque en nous ? De quelle manière cette scène évangélique peut-elle nous aider à relire avec la naissance d’un nouveau regard nos histoires cette année ? Quel sens pouvons-nous y trouver ?

Trois choses :
Vivre un certain étonnement dans la gratitude en réalisant que Dieu pour rejoindre l’homme et le sauver, n’a pas hésité à partager son histoire et son humanité, à l’exception du péché. Le voici alors, tout petit, pauvre, fragile et dépendant de l’homme, de ses parents. Mgr Jean-Marc Aveline, dans ses vœux de cette année, nous rappelle un point important dans notre contemplation, « Quand Dieu, se faisant nouveau-né, s’abandonne avec confiance entre les mains des hommes, comment pourrions-nous ne pas entendre son appel à Lui faire confiance ? » Oui, lui faire confiance en ce temps de crise de toute sorte et tenir bon.
Se tenir devant la crèche, c’est aussi contempler le don et le Donateur. Jésus, le nouveau-né, est le don du Père à toute l’humanité. Il est couché dans une mangeoire et se présente déjà dans un geste prophétique comme nourriture pour son peuple dans l’Eucharistie Nous aimons bien rappeler que l’Eucharistie est la source et le sommet de toute vie chrétienne. Pendant les deux périodes de confinement, nombreux sont ceux qui ont bien souffert de n’avoir pas pu vivre l’Eucharistie de manière régulière en communauté de croyants. En même temps, notre relecture nous permet de voir qu’il s’est passé d’autres choses hors de l’église, comme bâtiment, avec des chrétiens et non-chrétiens, faisant corps solidaire. Mgr Aveline souligne un autre point dans ses vœux, « c’est en nous faisant confiance que Dieu a sollicité notre confiance ! C’est en partageant notre vie qu’Il nous a fait entrer dans la sienne. C’est en devenant un fils d’homme qu’Il a montré aux hommes le chemin de la fraternité. ». Par les gestes de solidarité et de fraternité déployés durant ces temps difficiles auprès des personnes de la rue, malades ou solitaires, je crois que nous avons vécu une expérience humaine et spirituelle forte quand nous l’avons présentée comme offrande lors de nos célébrations une fois qu’il était possible de célébrer l’eucharistie, vécue alors avec une autre épaisseur humaine et spirituelle.
Enfin, célébrer l’Eucharistie, c’est être en présence de trois tables : la table de la Parole, la table de l’Eucharistie, « le Verbe s’est chair » et la table du service à laquelle nous sommes toujours renvoyée à la fin d’une célébration eucharistique. A St-Fé, la table du service est déployée auprès des mineurs migrants non-accompagnés et des personnes de la rue sur le parvis de l’église chaque dimanche pour un petit-déjeuner, sans oublier le service d’accueil du tout-venant et la visite aux malades, pour ne citer que cela. Vous aussi, selon vos possibilités, vous prenez le tablier de service envers ceux qui vous tendent la main.

Oui, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, le Prince de la Paix, le Serviteur des serviteurs, s’invite pour naître en nous afin que nous puissions être témoins de Sa présence vivifiante et libératrice dans le monde ; dans les lieux que nous fréquentons, afin que nous puissions vivre de sa Paix et devenir aussi des artisans de Paix au cœur de nos relations interpersonnelles.

Le « Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Et nous avons vu sa gloire. » Jn 1, 14. Amen.

Steves Babooram, sj
24 décembre 2020

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