Une lecture de Péguy à Saint-Ferréol

Le mardi 17 janvier, nous avons été nombreux à nous retrouver dans l’église Saint-Ferréol pour écouter une lecture du texte de Charles Péguy, « Le Porche du mystère de la deuxième vertu ».

L’art est médiateur de la rencontre. C’est l’intuition de l’association Chemins de Dialogue qui a organisé cette soirée. Comme son nom l’indique, Chemins de Dialogue, au sein de l’Institut catholique de la Méditerranée, cherche dans ses activités d’édition, de voyages et de diverses manifestations, à favoriser le dialogue interreligieux et interculturel. Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si elle s’est rapprochée de La Ruche Kokanas, dont le but est de promouvoir l’art et la culture en créant des liens avec les différentes disciplines artistiques. C’est l’intuition aussi du Fonds Carta qui soutient la création artistique. Ce sont donc ces trois associations qui, par le truchement de l’art, se sont rencontrées et ont permis que différents publics se croisent dans cette église Saint-Ferréol ouverte sur le Vieux-Port, symbole de la diversité culturelle de Marseille.

Elles ont donc proposé une lecture du poème de Charles Péguy, alors qu’on fête cette année les 150 ans de sa naissance.

Sébastien Thévenet a donné de la chair à ce texte, écrit sous forme d’un poème qui fait entrer, par vagues successives, dans le mystère de l’homme et le mystère de Dieu.

C’est le propre de l’art que de permettre la rencontre, les rencontres, de faire se croiser littérature, théâtre et spiritualité.

Parmi les personnes présentes, beaucoup ont découvert Péguy et se sont mises à sa lecture.

Quelques réactions des participants

« J’ai beaucoup apprécié Sébastien, les mouvements de son corps, les intonations de sa voix, ses expressions, bref sa présence en vivant dialogue avec le texte de Péguy… Pour moi, c’est une première et une découverte de ce que pourrait être toute lecture publique, en Église notamment. Ça ne peut nous venir que d’un artiste.»

« L’interprétation du texte de Péguy était très belle. Tout à fait fidèle à la langue de Charles Péguy, Sébastien Thévenet a su donner la puissance, la force, la profondeur du texte. Je ne suis pas prête d’oublier le débat de Péguy avec le texte de la parabole de la brebis perdue et des 99 autres… Et j’ai vibré à la fécondité de la nuit.  De nos nuits ?» 

Cette première rencontre artistique dans l’église Saint-Ferréol en appellera sûrement d’autres !

Catherine Pagès

Les photos sont de Pierre Quintrand

« Quand on s’est mis devant le Christ en croix »

Quand on s’est mis devant le Christ en Croix,
et qu’on se voit pécheur jusqu’au fond de l’être,
Qu’on se sait pardonné par le plus grand amour,
on peut affronter le malheur du monde,
On peut apporter le pardon et l’espoir au cœur de la nuit,
annoncer une Eglise fondée sur Pierre, pécheur et pardonné.

Quand on rêve d’apporter la justice aux affamés,
la joie aux malheureux, la paix entre les ennemis,
Et qu’on a vu Jésus toucher les lépreux,
embrasser les enfants et sécher les larmes des mères,
On peut oser lui demander d’être admis à sa suite,
et de marcher parmi ses disciples.

Quand on a entendu les cris de détresse de la terre,
et qu’on sent germer l’espoir aux quatre vents du monde,
On cherche à rejoindre le cœur de l’univers,
le centre mystérieux de l’humanité
Et l’on va se mettre au service de l’Eglise et du Pape ,
pour mieux entendre ses appels.

Quand on a livré sa vie au Seigneur Jésus,
quand on engage son existence devant une décision de fond ,
On trouvera toujours dans le monde des frères et des sœurs,
des hommes et des femmes sachant pourquoi ils vivent,
Et l’on verra paraître le vrai visage d’un Eglise ,
accueillante et sereine au milieu des hommes.

Quand on est lié par le coeur des frères ,
François-Xavier, Jean de Brébeuf, Pierre Claver,
Et ceux aujourd’hui
dans les prisons de Chine ou les bidonvilles d’Afrique,
On n’a plus peur de rester inutile dans un monde rétréci  :
de tous les horizons, Dieu saura nous appeler.

Poème du P.Jacques Guillet sj.

Homélie du 2ème dimanche de carême


Transfiguration et métamorphose
Matthieu 17, 1-9

Commençons par faire un peu de grammaire, ou plutôt de la traduction. Le texte dit que Jésus est « transfiguré ». Le mot grec c’est métamorphé, la métamorphose. Jésus leur apparaît métamorphosé. Le regard des apôtres sur Jésus a tellement changé qu’ils le voient métamorphosé.
Cette histoire est donc une histoire de changement de regard. Et c’est une belle histoire.
Sur la montagne, c’est le regard des disciples qui change. Pierre, Jacques et Jean posent sur Jésus un regard neuf, et ils découvrent Jésus ressuscité, avec toute la splendeur de la
résurrection, la nuée et l’assurance que le Christ est bien le Fils de Dieu.
On pourrait peut-être en rester là, dit Pierre. On est bien ici, on est loin du monde, il n’y a plus le bruit de la violence. Faisons trois tentes, sortons un sandwich et une petite bouteille, la glacière et un transat. Et on s’installe. On ne bouge plus. C’est la félicité.
La suite de l’Evangile montre que ça ne marche pas comme ça.
Parce qu’en réalité, quand on découvre quelque chose d’aussi fondamental que Jésus ressuscité, vous comprenez que tout est transformé, que le monde est bien différent de ce que vous voyiez auparavant, que Dieu est à l’œuvre en nous-même et dans le monde et qu’il est temps d’écouter ce qu’il nous dit.
Et voilà justement que de la nuée sort cette voix :
« Celui-ci est mon Fils bien aimé, Ecoutez-le. »
Si nous écoutons bien, nous entendons tous ces passages de l’Evangile qui ont précédé cette métamorphose et qui nous disent de renoncer à nous-même et de venir à la suite du Christ.
Etape cruciale, étape nécessaire qui manifeste que nous ne sommes pas simplement des
spectateurs béats d’admiration devant la nuée, comme Pierre qui voulait rester sur place, mais que nous sommes des acteurs dans cette découverte et qu’il faut faire notre part.
C’est pour cela qu’arrivé à ce point, Jésus dit dans l’Evangile : « relevez-vous et soyez sans
crainte ». Ce n’est pas le moment de casser la croûte tranquillement au bord du chemin. Le regard des disciples est transformé, le nôtre aussi. Nous savons ce qu’est la résurrection. Il faut aller de l’avant.
Commençons donc à regarder le monde qui nous entoure avec un nouveau regard, avec une lecture positive de la vie. Nous pouvons découvrir la puissance de notre regard qui envisage la vie autrement que dans la noirceur qui nous entoure. Chaque fois que nous poserons sur les autres un regard lucide, qui ne juge pas, c’est la transfiguration de notre monde qui est en marche. Un regard lucide et aimant, c’est un regard sur la vie qui est plein de lumière.
Commençons à écouter sérieusement la parole de Dieu que nous entendons chaque dimanche, que nous pouvons lire chaque jour. Ouvrons notre cœur aux appels de Jésus ressuscité.
Le carême est un temps de métamorphose, de transfiguration, de vraie conversion. La banalité du quotidien peut ouvrir à des horizons nouveaux si nous changeons de regard. Ouvrons nos yeux et nos oreilles et écoutons ce que Dieu nous dit sur la route de Pâques.

Pierre de Charentenay, sj
St-Ferréol, le dimanche 11 mars 2023