Homélie du 7ème dimanche C – 23 février 2025

Nous connaissons le sermon sur la montagne dans l’évangile de Matthieu (ch 5-7). Chez Luc, Jésus redescend avec les douze apôtres qu’il a choisis parmi ses disciples et c’est dans la plaine qu’il adresse son discours à la foule rassemblée. Le texte que nous venons d’entendre suit le texte des quatre béatitudes et les quatre malédictions qui sont leur pendant, texte que nous avons lus la semaine dernière.

L’amour des ennemis est bien-sûr un commandement exigeant, mais si nous y regardons de près, il y a là une vérité fondamentale. En effet, comment la paix peut-elle advenir, si je ne tends pas la main à mon ennemi, si je ne prends pas le risque de casser le cercle de la vengeance et de la violence ? Cela vaut au niveau personnel comme au niveau collectif. Oui, si je ne fais pas un pas vers l’autre qui est différent de moi, comment mon cœur s’élargirait-il ? Et sur le plan international, comment la paix pourrait-elle voir le jour si quelqu’un ne prend le risque de la main tendue ? Si nous ne rentrons pas dans la dynamique du pardon, nous risquons de ne rester qu’entre nous, dans le petit cercle de ceux qui nous ressemblent, comme un groupe d’amis dans les réseaux sociaux. Certes, c’est important de rencontrer régulièrement des gens avec qui on se sent bien, mais on ne peut pas en rester là ! Le Christ nous appelle à faire un pas de plus, un pas vers l’inconnu. En effet, on ne sait pas comment on sera reçu et éventuellement, on sera très mal reçu, parce que l’autre est différent et il va nous déranger. Nous avons peur qu’il demande de trop, qu’il nous oblige à chercher à le comprendre dans sa culture, dans sa manière de vivre, dans ses habitudes qui ne sont pas les nôtres. Mais n’est-ce pas le prix à payer si nous voulons vivre l’Évangile en vérité ?

L’Eglise n’est pas un club où se retrouveraient seulement les amis, ceux qui partagent toujours mes valeurs et ma culture. Il y a des communautés où on retrouve toujours les mêmes : qui se ressemble s’assemble… Mais alors, autant aller dans un club fermé qui cultive l’entre-soi, mais pas dans l’Église ! Une église est faite pour être ouverte à tous ceux qui souhaitent entrer et on ne sait jamais qui va pousser la porte, nous sommes bien placés à Saint-Ferréol sur le Vieux-Port pour le savoir. Parfois y entrent des gens qui ne sont pas comme nous, qui viennent avec des interrogations qui ne sont pas les nôtres et nous sommes sans arrêt mis au défi d’élargir notre cœur.

Aimez vos ennemis, c’est faire un pas vers l’accueil, car celui que je ne connais pas, voire qui m’indispose, touche peut-être en moi mes limites. Peut-être que je ne me sens pas capable d’accueillir cette personne et c’est bien de le reconnaître. Dieu ne nous demande pas l’impossible. L’essentiel est de garder cette disposition du cœur pour ne pas juger afin de ne pas être jugé, pour ne pas condamner afin de ne pas être condamné. Même si on travaille dans le milieu judiciaire, on ne condamne pas une personne, on condamne un acte. Si l’Église s’oppose à la peine de mort, c’est justement pour cela, parce que toute personne est capable de changer, même celle qui me révulse le plus. Chrétiens, nous devons croire en cette humanité de chaque personne, même la pire, parce que cette personne a été créée par Dieu. Même si elle ne le sait pas, elle est aimée de Dieu et un jour peut-être, elle pourra le reconnaître et changer de vie. Désespérer d’un homme, n’est-ce pas désespérer de toute l’humanité ?

Aimez vos ennemis c’est donc cette disposition du cœur qui me fait croire que toute personne, même si elle m’indispose ou me révolte, reste un frère ou une sœur en humanité. Je peux alors me tourner vers Dieu et la lui confier : “ Toi tu l’aimes, Seigneur, alors parle à son cœur, car moi je n’y arrive pas“.

Aimez vos ennemis, c’est tout ce que Jésus a essayé d’enseigner dans sa vie et qu’il a vécu jusqu’au bout, jusqu’à donner sa vie sur la croix pour l’humanité entière, sans exclusion. Oui, chers frères et sœurs, nous pouvons avec confiance rentrer dans cette dynamique-là. L’amour des ennemis, c’est un idéal vers lequel nous marchons humblement. Jésus sur la croix n’a pas dit à ses bourreaux : “je vous pardonne“, il a dit : “Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font“. Le pardon, pour Jésus comme pour nous, est un chemin. Il nous y accompagne fidèlement. Amen

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