Homélie du 29ème dimanche A: 18-19 octobre 2020

Chers frères et sœurs,
L’éloge que font ici les pharisiens et les partisans d’Hérode de Jésus le Nazaréen est des plus juste et des plus forts de tous les évangiles.
Je propose de nous y arrêter et de regarder ensuite dans nos propres vies où nous en sommes de notre chemin de vérité.
Tout d’abord, les pharisiens et les partisans d’Hérode reconnaissent Jésus comme « maître »,c’est-à-dire quelqu’un qui a autorité pour enseigner et qu’on écoute en tant que disciples, soucieux d’apprendre, d’en tirer des enseignements pour sa vie.
Et moi, qui sont mes maîtres, quelles sont les personnes que j’écoute avec humilité, par qui est-ce que je laisse bousculer, déplacer, transformer ?

Ils reconnaissent ensuite que Jésus est toujours vrai, c’est-à-dire qu’il n’y a en lui aucune pensée tortueuse, aucun repli égoïste, mais est habité par une grande sagesse. Et moi ? Est-ce que dans ma vie, j’essaie d’être vrai, d’être authentique, d’être humblement moi-même, loin des façades et des mensonges ?

« Tu enseignes les chemins de Dieu en vérité ». Quel magnifique éloge de la part des pharisiens, très attachés à la loi juive et au respect scrupuleux des rites et des pratiques religieuses dans un monde romain et donc païen. L’autorité de Jésus vient en quelque sorte de son intériorité, de sa communion étonnante et unique avec Celui qu’il osa appeler « Père ». En fait, pour parler de Dieu, pas besoin d’être érudit, d’avoir fait beaucoup d’études. Heureusement. Et moi ? Est-ce que j’essaie de le connaître davantage, plus profondément, à travers les lectures, la prière ou ce que les Pères de l’Eglise appellent la « conversation spirituelle » ?

Et voilà même que les pharisiens et les partisans du roi Hérode –c’étaient des Sadducéens, des riches propriétaires qui jouissaient de nombreux privilèges et qui ne croyaient pas à la résurrection des morts-, voilà donc qu’ils reconnaissent que Jésus, je cite, « ne se laisse influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence qu’il considère les gens ». Quelle reconnaissance forte, puissante ! Oui, si je regarde quelqu’un du fond du cœur, si je vois en lui d’abord ses talents, ses potentialités, ses richesses parfois cachées comme la braise sous un tas de cendres, si je regarde mon frère ou ma sœur avec les yeux de Dieu, les yeux d’espérance et de miséricorde, je lui accorde une chance, je lui ouvre un chemin de vie. Car, reconnaissons-le bien humblement, nous agissons souvent par rapport au « qu’en dira-t-on », nous nous laissons influencer par l’esprit mondain, par un regard accusateur qui enferme, qui tue : « toi, je te connais, tu es comme ci ou comme ça ». « un tel, ah oui… ».

Alors oui, chers frères et sœurs, ne pas considérer les gens selon l’apparence, c’est tout un programme, tout un chemin de conversion que chacun de nous est appelé à faire.
Le drame du texte –car ce texte est proprement dramatique- se joue dans le contraste entre d’une part cette reconnaissance si juste, si forte, si profonde de l’être et de l’action de Jésus, son secret profond pourrait-on dire, qui donne vie et ouvre à chacun, même aux grands pécheurs un avenir et d’autre part, la volonté de lui tendre un piège en le faisant parler. Comment est-il possible de vouloir réduire au silence et détruire celui que justement, on considère comme vrai, juste et auteur de la vie ? C’est le péché à l’état pur, on pourrait presque dire le péché contre l’Esprit :voir le bien, le reconnaître et dire que c’est mal et vouloir le réduire au silence ! Cette reconnaissance n’est que pure flatterie !

Pour lui tendre un piège, nous dit le texte, les pharisiens et les partisans d’Hérode viennet poser une question à Jésus sur le permis et l’interdit. Quelle réduction de la foi, de la religion, de la relation à Dieu. Alors oui, la réponse de Jésus remet justement Dieu au centre et marque la liberté qui est la sienne. « Rendez à César ce qui est à César », cela signifie qu’il nous faut vivre dans la société qui est la nôtre et dans la réalité de notre vie concrète. Mais nous devons lutter pour préserver le trésor de notre relation à Dieu : « rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Cette liberté des enfants de Dieu par rapport aux mondanités nous permet de reconnaître dans notre prochain un fils, une fille de Dieu comme moi, car nous sommes tous frères et sœurs en Christ, « Tutti Fratelli », comme le dit le pape François dans son encyclique qui vient de sortir.

Amen
P. Vincent Klein sj