Homélie du P. François-Xavier Le Van: Toussaint 2020

Notre chemin de sainteté

L’Evangile du jour nous ouvre un chemin du vrai bonheur encore appelé béatitude. Il bouleverse nos schémas habituels du bonheur car il est difficile d’imaginer que la pauvreté, la tristesse, la douceur, la compassion, la persécution … représentent un chemin de béatitude. Ces images, nous les recevons de la société ambiante où l’on se bat pour être riche, pour rire, pour vivre aisément, quitte à écraser les autres, à les persécuter pour emporter le morceau. 

    Certes nous connaissons des gens, pas forcément des religieuses ou des prêtres mais aussi des laïcs de toutes catégories qui un jour décident de vivre pauvrement, de ne pas chercher le haut de l’échelle, de se battre pour la justice en acceptant d’être rejetés, ignorés voire maltraités. Ces personnes connaissent un vrai bonheur, celui qu’ont connu les saints, c’est-à-dire d’être en communion avec Dieu.

    Mais voilà, qu’en est-il de ceux qui n’ont pas choisi d’être pauvres, d’être malheureux, de se retrouver dans des difficultés. Est-ce que cet évangile est aussi pour eux, est-ce qu’il n’est pas seulement qu’un appel mais aussi une bonne nouvelle pour tous ceux qui souffrent. Est-ce que cet évangile nous concerne, nous aussi, nous qui entrons en reconfinement sans l’avoir choisi ? J’ose affirmer que oui car c’est le Christ qui l’a annoncé à tous les pauvres, les malades, les prisonniers de son temps et il le fait encore pour nous aujourd’hui.

    La manière d’annoncer du Christ est propre à lui. Il ne le fait pas du haut de son palais, ni d’une vie de charpentier réussi, ce qui correspond à la classe moyenne d’aujourd’hui. Il le fait en étant vagabond, sans pierre où poser sa tête, vivant dans la générosité des sympathisants. Il a connu la faim, ce qui l’a amené à manger des épis dans les champs, il a connu la soif ce qui lui a fait demander de l’eau à la Samaritaine. Et c’est en vivant la vie des itinérants que sa parole est crédible auprès de ceux qui sont des situations difficiles, sans issue, car il les comprend de l’intérieur.

    Que cherche Jésus en annonçant cette Bonne Nouvelle aux mendiants, aux malades, aux journaliers ? Non pas une révolution contre les riches, ni une révolte contre l’occupant romain qui les empêche de vivre leur liberté. Son message est simple. Quel que soit votre état, vous êtes aimés de Dieu, son père. La compassion du Père déborde de Jésus pour dire au peuple qu’ils ont tous la dignité des enfants de Dieu, de la même manière que lui, Jésus. Désormais, ceux qui accueillent cette Bonne Nouvelle ne sont plus écrasés par leurs dettes, les mépris des riches, la souffrance de leur état. Cette dignité les fera se redresser, puiser en eux-mêmes la force pour tenir et se battre parce qu’ils se sentent aimés du Père.

    Nous voici au seuil du deuxième confinement. Sans doute les souvenirs du premier nous reviennent, des bonnes et des catastrophiques. Abordons-le de manière nouvelle en nous donnant une visée : profitons de ce temps pour nous retourner à Dieu, pour l’accueillir dans le silence de notre vie, au-delà des contraintes et des pertes de liberté. Il s’agit bien d’apprendre à vivre une sobriété heureuse et l’occasion des contraintes pourrait être un moteur pour transformer ce qui est pénible en source de bonheur. Nous vivrons aussi des moments difficiles à cause de la distance avec nos proches, de la perte d’activités devenues impraticables, ou encore du sentiment d’enfermement entre 4 murs qui peuvent générer parfois de l’angoisse, de la colère. N’oublions pas que le Christ est bien à nos côtés. Le Christ a vécu ses conditions humaines, avec ses limites et ses contraintes. Confions-lui nos misères car il peut nous entendre et nous comprendre car il est passé par là. Nous avons entendu, il n’y a pas si longtemps, le Christ parler de ses angoisses devant sa mort. Il portera avec nous nos misères. Cherchons aussi à vivre le moment présent où le Christ est bien présent et se donne à nous et nous sort de notre solitude. Alors, allégés de ce poids qui pourraient peser sur nos épaules, nous pouvons porter nos regards au-delà de nos frontières, vers ceux qui souffrent aussi de cette pandémie comme les malades, les soignants, les sans-logis, qui sont sur le chemin de nos courses alimentaires.

Prions en cette fête de la Toussaint, en temps de pandémie et de confinement pour que le Seigneur nous donne de nous convertir à l’essentiel et de porter nos regards vers ceux qui sont sur nos chemins afin de faire un geste de solidarité pour et avec eux.

François-Xavier LE VAN

Message de Mgr Jean-Marc Aveline: fête de Toussaint 2020

Chers amis,
Alors que notre pays s’apprête à vivre un nouveau confinement, dans un climat de peur et de forte inquiétude, il nous est bon d’écouter la recommandation que saint Paul donnait aux chrétiens d’Éphèse, alors qu’il était lui-même en butte à toutes sortes d’épreuves : « frères, puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. […] Oui, tenez bon ! » (Ep 6, 10.14).
En ce jour où nous célébrons solennellement la foule immense de tous les saints, nous rendons grâces à Dieu pour leur courage et leur exemple. Dans des périodes parfois plus difficiles que la nôtre, ils ont su tenir bon dans l’espérance et confier leur vie à la grâce de Dieu. Ils ont été ces lumières dont le monde a besoin pour ne pas se laisser submerger par les ténèbres de la peur et du découragement. Comme eux, appuyons-nous sur le Seigneur, « le roc éternel » (Is 26, 4), et ne négligeons pas la grâce de notre baptême qui nous appelle tous à la sainteté.
Le message intégral

Homélie du 29ème dimanche A: 18-19 octobre 2020

Chers frères et sœurs,
L’éloge que font ici les pharisiens et les partisans d’Hérode de Jésus le Nazaréen est des plus juste et des plus forts de tous les évangiles.
Je propose de nous y arrêter et de regarder ensuite dans nos propres vies où nous en sommes de notre chemin de vérité.
Tout d’abord, les pharisiens et les partisans d’Hérode reconnaissent Jésus comme « maître »,c’est-à-dire quelqu’un qui a autorité pour enseigner et qu’on écoute en tant que disciples, soucieux d’apprendre, d’en tirer des enseignements pour sa vie.
Et moi, qui sont mes maîtres, quelles sont les personnes que j’écoute avec humilité, par qui est-ce que je laisse bousculer, déplacer, transformer ?

Ils reconnaissent ensuite que Jésus est toujours vrai, c’est-à-dire qu’il n’y a en lui aucune pensée tortueuse, aucun repli égoïste, mais est habité par une grande sagesse. Et moi ? Est-ce que dans ma vie, j’essaie d’être vrai, d’être authentique, d’être humblement moi-même, loin des façades et des mensonges ?

« Tu enseignes les chemins de Dieu en vérité ». Quel magnifique éloge de la part des pharisiens, très attachés à la loi juive et au respect scrupuleux des rites et des pratiques religieuses dans un monde romain et donc païen. L’autorité de Jésus vient en quelque sorte de son intériorité, de sa communion étonnante et unique avec Celui qu’il osa appeler « Père ». En fait, pour parler de Dieu, pas besoin d’être érudit, d’avoir fait beaucoup d’études. Heureusement. Et moi ? Est-ce que j’essaie de le connaître davantage, plus profondément, à travers les lectures, la prière ou ce que les Pères de l’Eglise appellent la « conversation spirituelle » ?

Et voilà même que les pharisiens et les partisans du roi Hérode –c’étaient des Sadducéens, des riches propriétaires qui jouissaient de nombreux privilèges et qui ne croyaient pas à la résurrection des morts-, voilà donc qu’ils reconnaissent que Jésus, je cite, « ne se laisse influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence qu’il considère les gens ». Quelle reconnaissance forte, puissante ! Oui, si je regarde quelqu’un du fond du cœur, si je vois en lui d’abord ses talents, ses potentialités, ses richesses parfois cachées comme la braise sous un tas de cendres, si je regarde mon frère ou ma sœur avec les yeux de Dieu, les yeux d’espérance et de miséricorde, je lui accorde une chance, je lui ouvre un chemin de vie. Car, reconnaissons-le bien humblement, nous agissons souvent par rapport au « qu’en dira-t-on », nous nous laissons influencer par l’esprit mondain, par un regard accusateur qui enferme, qui tue : « toi, je te connais, tu es comme ci ou comme ça ». « un tel, ah oui… ».

Alors oui, chers frères et sœurs, ne pas considérer les gens selon l’apparence, c’est tout un programme, tout un chemin de conversion que chacun de nous est appelé à faire.
Le drame du texte –car ce texte est proprement dramatique- se joue dans le contraste entre d’une part cette reconnaissance si juste, si forte, si profonde de l’être et de l’action de Jésus, son secret profond pourrait-on dire, qui donne vie et ouvre à chacun, même aux grands pécheurs un avenir et d’autre part, la volonté de lui tendre un piège en le faisant parler. Comment est-il possible de vouloir réduire au silence et détruire celui que justement, on considère comme vrai, juste et auteur de la vie ? C’est le péché à l’état pur, on pourrait presque dire le péché contre l’Esprit :voir le bien, le reconnaître et dire que c’est mal et vouloir le réduire au silence ! Cette reconnaissance n’est que pure flatterie !

Pour lui tendre un piège, nous dit le texte, les pharisiens et les partisans d’Hérode viennet poser une question à Jésus sur le permis et l’interdit. Quelle réduction de la foi, de la religion, de la relation à Dieu. Alors oui, la réponse de Jésus remet justement Dieu au centre et marque la liberté qui est la sienne. « Rendez à César ce qui est à César », cela signifie qu’il nous faut vivre dans la société qui est la nôtre et dans la réalité de notre vie concrète. Mais nous devons lutter pour préserver le trésor de notre relation à Dieu : « rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Cette liberté des enfants de Dieu par rapport aux mondanités nous permet de reconnaître dans notre prochain un fils, une fille de Dieu comme moi, car nous sommes tous frères et sœurs en Christ, « Tutti Fratelli », comme le dit le pape François dans son encyclique qui vient de sortir.

Amen
P. Vincent Klein sj