« Faire de l’Eglise une maison sûre »

Mesdames, Messieurs,
Chers Frères et Sœurs,

Quelques mots sur la genèse de ce rapport :
• En août 2018, le Pape François a interpellé le Peuple de Dieu au sujet des abus sexuels sur mineurs commis dans l’Eglise.
• Lors de leur assemblée plénière en novembre 2018 à Lourdes, les évêques de France ont décidé la création d’une commission indépendante sur les abus sexuels sur mineurs commis en France par des prêtres. La Conférence des religieux et religieuses de France s’est immédiatement associée à cette démarche.
• Le 13 novembre 2018, Jean-Marc Sauvé, vice- président honoraire du Conseil d’État, a accepté de constituer et de présider cette commission.

La mission de cette commission était :
• d’établir les faits sur ces affaires terribles de pédophilie au sein de l’Eglise, depuis 1950, sur une période de 70 ans.
• de comprendre pourquoi et comment ces drames ont pu avoir lieu et ont été traités.
• d’examiner l’action de l’Eglise pour lutter contre la pédophilie et de faire des recommandations.

Pour leur part, les évêques se sont mis à l’écoute des personnes victimes et ont pris en mars dernier toute une série de décisions supplémentaires qu’ils ont présentées à tous les fidèles dans une lettre aux catholiques de France. Nous sommes engagés dans la mise en œuvre de ces mesures nouvelles pour faire de l’Eglise une maison plus sûre.

Mardi prochain, la publication du rapport de la CIASE va être une épreuve de vérité et un moment rude et grave. Nous allons recevoir et étudier ces conclusions pour adapter nos actions. Je vous tiendrai informé car cette lutte contre la pédophilie nous concerne tous. C’est dans une attitude de vérité et de compassion que j’invite chacun d’entre vous à recevoir le contenu de ce rapport. Mais avant tout, nos pensées, notre soutien et nos prières vont continuer d’aller vers toutes les personnes qui ont été abusées au sein de l’Eglise.

Que le Seigneur de justice et de miséricorde nous conduise sur le chemin d’une vie nouvelle.

Marseille, le 27 septembre 2021
+ Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille

Téléchargez le document

Homélie du 26 septembre 2021

Ecartez de son coeur les occasions de chute: Mc, 9,38-48

Cet évangile apparait d’une brutalité peu commune, complètement contraire à la tradition de miséricorde qui irrigue tout l’évangile et la vie de Jésus lui-même, et qui fait partie de l’enseignement des papes récents, de Jean-Paul II au pape François. On a l’impression d’un extrémisme qu’on verrait plutôt chez les plus pharisien des pharisiens. On est dans le fondamentalisme et la raideur, qui ne sont pas soutenables.
Même si ce que nous regardons peut provoquer en nous beaucoup de jalousie et d’envie, ce n’est pas pour cela que nous allons arracher notre oeil. Même si les auteurs de pédophilie doivent être sanctionnés, il n’est pas question de leur mettre la corde au cou et de les jeter à la mer.

Alors, qu’est-ce que nous faisons de ce texte gênant ?
Il faut lire tout cela au niveau de nos motivations profondes, de nos désirs véritables, de nos pratiques et de notre regard. Qu’est-ce qui se passe dans notre coeur ?
Nous pouvons être tentés d’arranger un peu la loi pour profiter d’une occasion, un permis de construire bricolé, un passe-droit, un petit mensonge au fisc, un gros mensonge à sa famille pour garantir la considération de tous. Nous sommes jaloux du voisin, de sa maison, de son style de vie, peut-être de son intelligence et de sa réussite. Devant les appels du pape et de l’Eglise à prendre soin des migrants et des réfugiés comme aujourd’hui, nous laissons naitre en nous des réactions de méfiance, de rejet.
Tous ces sentiments qui sont en nous, dès qu’ils naissent dans notre coeur, il faut les éliminer au plus vite, ne pas les laisser prospérer, ne pas laisser la tentation s’installer.
Dans le milieu professionnel, on peut se demander quels moyens on prend pour poursuivre sa carrière. Tricher, écraser le voisin, le mettre sciemment de côté ou le détruire par des rumeurs, enfin tous les moyens que vous imaginez pour l’écarter. Voilà encore des idées à éliminer tout de suite.
Coupe ta main qui cherche à détruire un concurrent. Enlève ton oeil qui te donne un regard de jalousie. Coupe ton pied par lequel tu essaies de barrer la route à un collègue. Traduisons ces demandes en disant : enlève dès sa racine en toi ce sentiment qui pourrit ta vie spirituelle et humaine.
L’enjeu de tout cela c’est notre fidélité aux valeurs du Royaume, notre volonté de vivre ce Royaume dès ici-bas. Nous avons des choix à faire.
C’est loin d’être simple.

Cela demande deux choses : d’abord de connaître clairement le fond de nos motivations. Nous devons faire sur nous-mêmes un travail de clarification. Il n’y a rien de mieux que le brouillard pour se tromper de route. Le malin adore nous mettre dans la confusion pour que nous prenions de mauvaises décisions. Il y a donc un travail de clarté à faire dans nos intentions, dans nos motivations, dans ce que nous disons et faisons.
La deuxième chose, c’est de prendre une décision. Je peux laisser trainer sans fin une situation illégale, immorale et mortifère pour moi ou pour d’autres. Je peux me complaire dans des critiques ou dans des attitudes négatives vis-à-vis de l’Eglise. L’invitation du Christ est claire : il faut trancher dans ces velléités et tout de suite. Toute hésitation est l’oeuvre du malin.
Le Christ vient ainsi faire éclater toutes les petites constructions que nous inventons. Loin des langues de bois, il le fait de manière très nette, presque radicale. Entendons cette volonté de nous ouvrir les yeux sur nos manières d’agir et de vivre.

Pierre de Charentenay,sj

Homélie du 19 septembre 2021

HOMELIE du 25ème dim. du T.O. – Mt 9, 30-37 – Prendre la dernière place

Ce passage que nous venons d’entendre arrive juste après celui de la Transfiguration de Jésus. C’est une manière directe , si l’on peut dire, de la part de Jésus à inviter Pierre, Jacques et Jean à descendre de la montagne et à prendre conscience des conditions et des contraintes de la mission. Jésus profite pour leur annoncer une deuxième fois sa passion, sa mort et sa résurrection. Ces trois « privilégiés » ont eu l’opportunité de le voir dans sa gloire mais là, « ils ne comprirent pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger » (Mc 9, 32).
Comment allaient-ils pouvoir le comprendre quand Jésus leur dit aussi, « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » ! Ils ne sont pas dans cette perspective en suivant Jésus. Ils pensaient obtenir les meilleures places possibles. Ils se demandaient qui deviendrait le chef de leur groupe quand Jésus ne sera plus là, puisqu’il avait annoncé à deux reprises qu’il allait se séparer d’eux. Leur « préoccupation mondaine » les empêche d’adhérer à la manière dont Jésus veut les aider à comprendre par quel chemin il légitime son autorité.
Nous nous souviendrons que c’est à travers l’épisode du lavement des pieds qu’il nous exprimera aussi son sens de de leadership. Jésus parle d’abaissement et eux aspirent à monter en grade et dans la hiérarchie. N’est-ce pas que la logique humaine est bien de vouloir faire l’ascension sociale et gravir l’échelle sociale le plus haut possible… ?
Pas d’équivoque de la part de Jésus à ce niveau ; comprenne qui pourra ! « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Mc 9, 35). Tel est l’esprit et la logique de la mission à laquelle ils sont appelés.
Comment situons-nous aujourd’hui en rapport avec ce passage de l’évangile qui vient particulièrement nous donner un nouveau souffle en ce début de notre année pastorale au service de notre sanctuaire ?
Avant tout, nous pouvons rendre grâce au Seigneur pour tous les petits et grands efforts que nous faisons pour pouvoir vivre le plus possible l’esprit de service au coeur de nos différentes responsabilités, missions et engagements dans la vie ecclésiale, sociale et associative. Soyez-en déjà remerciés.
En même temps, quand nous tous, nous regardons de près certaines de nos attitudes et certains de nos comportements, aurions-nous le droit d’accabler Pierre, Jacques et Jean et les autres ? Pour ceux qui ne le savent pas, à la Toussaint, nous allons célébrer le jubilé de la conversion d’Ignace de Loyola grâce à un boulet de canon qui a été déterminant dans le changement radical de sa vie. Il y en a eu d’autres – au sens figuré – qui lui ont permis de comprendre que « la fécondité de son existence ne dépend pas de la seule force des poignets ».
Et nous ? Il est possible que nous soyons des « boulets » pour les autres de par notre manière d’agir et de nous comporter. La tentation est grande parce que nous pouvons en pas être insensibles au pouvoir, aux honneurs et à la première place ou à vouloir prendre toute la place. Du coup, nous ne permettons pas à l’autre de vivre pleinement son engagement baptismal et son désir de servir.
Ce que l’apôtre Jacques mettait en relief dans sa lettre à sa communauté chrétienne reste
d’actualité, surtout quand il pointe les ravages « des jalousies et des rivalités ».
Les disciples du Christ sont appelés à vivre selon une autre logique qui débouche sur la paix, la tolérance, l’humilité et la bienveillance.
Que découvrons-nous dans tout cela ? Eh bien, c’est que le service se révèle comme une
nouvelle expression de « prendre le pouvoir » et de pratiquer l’autorité, celle qui fait croître, qui fait grandir l’autre mais non pas pour l’écraser. Jésus nous donne plusieurs exemples dans sa manière d’exercer l’autorité…
Que pouvons-nous encore retenir de cette page d’évangile ? Là où l’on rêvait d’être le premier ou parmi les premiers, Jésus accueille un enfant au milieu de ses disciples ! Son audace qui se veut lourde de sens fait vivre un déplacement du côté de ses disciples quand l’on sait que l’enfant était marginalisé et n’avait pas sa place dans le monde des adultes avant ses treize ans.
A travers ces différentes touches, Jésus les provoque et les amène à prendre un chemin de
conversion pour découvrir que c’est à travers les petits et les faibles qu’il les attend. C’est à
travers eux qu’ils accueillent Dieu e qu’il peuvent comprendre ce qu’est la vraie grandeur.
On ne se trompera jamais à ce niveau quand on veut, de manière éclairée, assurer un service envers les plus petits et faibles de la société. J’aime bien rappeler l’esprit de service qui nous anime le dimanche matin au petit déjeuner sur le parvis de l’église : pas seulement servir mais aussi prendre un petit moment pour vivre un temps de fraternité avec celui que l’on sert.
« Celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
On rapporte de Saint François Xavier cette belle pensée : « Sur le pas de Jésus Christ, on ne monte qu’en descendant. L’échelle de la sainteté ne se monte pas, elle se descend ».
Chers frères et soeurs, dimanche dernier, à la question de Jésus à ses apôtres, « et vous, que dites-vous que je suis ? », Pierre lui a dit, « Tu es le Messie ».
Et nous aujourd’hui, nous pourrons lui dire, « Tu es Doux et Humble de coeur, tu es le Serviteur des serviteurs ».
Puissions-nous lui demander la grâce d’être configurés, d’être formatés à sa manière d’aimer et de servir jour après jour. Avançons ensemble pas à pas. Amen.

Steves Babooram, sj