Homélie du jour de Noël


En réfléchissant à ce que je devais dire en ce matin de Noël, je voulais d’abord donner une homélie, avec des propos théologiques savants, comme « le Verbe était la vraie lumière, il était dans le monde, mais le monde ne l’a pas reconnu ». ou « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Et puis je me suis dit que vous connaissiez déjà tout cela et que certainement vous sortiriez de cette église, en disant : je ne sais pas trop ce que le prêtre a dit, mais c’était très bien.

Alors je préfère vous raconter une histoire. Je pense qu’en fait vous la connaissez.
C’est une histoire insensée qui s’est déroulée il y a bien longtemps quand il n’y avait pas d’autoroute, il n’y avait même pas de route et donc pas de voiture, pas d’embouteillage, pas d’accident ; il n’y avait pas d’hôpital, pas de Covid, pas de réseaux sociaux, pas de réchauffement climatique. Les grandes villes n’existaient pas encore, on n’avait même pas de maison à étages, pas besoin d’ascenseur pour monter les plus paresseux. D’ailleurs il n’y avait pas de supermarché, donc on n’avait pas besoin de caddie qui pesait 50 kg. Et puis, tout le monde se connaissait parce que les villages étaient petits, et que si on partait, on n’allait pas bien loin, quelques kilomètres. S’il fallait aller plus loin, on prenait un âne pour les pauvres ou un chameau pour les plus riches, parce qu’il y avait déjà des pauvres et des riches. Et puis on partait sans réservation, sans assurance, sans test antigénique, sans carte bancaire, sans smartphone. Quelle imprudence !
Eh bien justement, il y avait un jeune couple qui avait quitté son village natal avec quelques affaires sur un âne. Imaginez-vous que le garçon et la fille disaient tous les deux qu’ils avaient reçu la visite d’un ange. À la fille, Marie, l’ange avait dit qu’elle allait avoir un bébé formidable mais un peu spécial et qu’il fallait qu’elle s’en occupe bien parce qu’il allait faire de grand-chose, et qu’il serait la lumière du monde, rien que ça. Au garçon, Joseph, l’ange lui dit qu’il fallait qu’il s’occupe bien de Marie et de son enfant même s’il n’était pas le père du gamin. Tout ça était un peu compliqué pour eux, et ils ne cherchaient pas trop à comprendre. Mais ils avaient l’impression d’avoir une mission spéciale, quelque chose qui venait d’en haut puisque les anges s’en étaient mêlé. Il ne fallait pas rigoler et Joseph prenait la chose au sérieux.
Marie aussi, d’autant qu’elle commençait à avoir des contractions et que le voyage sur l’âne n’avait pas été très confortable. Il fallait d’urgence trouver un endroit à l’abri. Joseph a rapidement découvert une petite grotte sous des rochers, ou le gamin est né, c’était un garçon. Joseph était bien content d’avoir accompli sa mission, mais Marie était vraiment heureuse car elle savait que ce petit-là allait faire de grandes choses. Ils en ont eu tout de suite la confirmation car des anges commençaient à chanter dans le ciel. Ces anges qui les avaient mis en route étaient encore là pour leur dire qu’ils ne s’étaient pas trompés.
Le plus insensé avec cette histoire c’est qu’on l’a racontée pendant des siècles,
pendant le temps des Romains, puis tout au long du Moyen Âge, de la Renaissance et jusqu’après l’an 2000 sur toute la planète. A cette époque, on est capable d’envoyer des engins sur Mars et de traverser l’Atlantique en quelques heures, on construit des immeubles de 200 étages qui ont besoin de beaucoup d’ascenseurs. On est même en train de détruire notre planète et de l’asphyxier.
Et on raconte encore cette histoire insensée de Marie et de Joseph en train de
chercher un endroit sûr pour mettre au monde celui qui allait sauver ce monde.
On raconte toujours cette histoire, même s’il y a de moins en moins de personnes
pour l’entendre et pour croire qu’il y a là un sauveur.
C’est que le monde s’est empli le ventre et s’est vidé l’esprit. Il n’a plus les oreilles pour entendre les histoires.
Ses yeux sont pris dans les lucarnes de tous les écrans. Seuls encore les enfants continuent à danser quand on joue de la flute.

Pierre de Charentenay, sj
pierre.decha@jesuites.com
St-Ferréol, le 25 décembre 2021

Homélie de la nuit de Noël

Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur.. ? Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Comment entendre ce soir la Parole de Dieu dans la poursuite de notre veillée de Noël ?
Contemplons la Sainte Famille posée sur le globe symbolisant une crèche. Le tout est porté par une main d’adulte qui le tend à une autre main, plus jeune. Arrêtons notre regard sur cette scène qui nous parle de la naissance de Jésus, nom qui veut dire « Dieu sauve » ; cette scène qui nous parle aussi de notre préoccupation de protéger notre « maison commune »
………. Que pouvons-nous voir ? Qu’est-ce que cette scène nous inspire ?
Trois choses pour ma part qui nous rappellent les mots du pape François : « Tout est lié ».

1) « Dieu choisit les petits pour changer le monde », telle est une citation de la plateforme Laudato Si’.
Cette phrase trouve vraiment tout son sens en contemplant l’enfant Jésus dans la crèche, pauvre, humble, couché tout simplement dans une mangeoire. Et pourtant, c’est bien la promesse de la venue du Sauveur, reçue depuis l’ancienne alliance qui se réalise à travers « ce petit bout de chou » ! C’est lui qui va renouveler non seulement la face de la terre comme nous le rappelle le psaume 103 mais aussi nos coeurs vers plus d’humilité et de simplicité.
Oui, la conversion écologique s’obtiendra dans la durée si seulement, en amont, une conversion personnelle et collective est promue, encouragée et vécue. Elle débouchera alors sur des actions concrètes, petites ou grandes pour protéger notre « maison commune » – la terre et la passer aux générations futures.
Aussi, face aux appels incessants des publicités et aux éventuelles tentations du monde de consommation à outrance, comment développer davantage des attitudes personnelles et collectives ajustées pour promouvoir une sobriété heureuse qui ne nous empêchera pas de vivre de belles célébrations et fêtes familiales et amicales ?
Qu’est-ce que les petits et les pauvres de ce monde ont à nous dire dans notre désir de voir le monde changé et transfiguré ? Des changements s’opèreront grâce aux petits et grands pas que nous faisons et ferons sans oublier les changements structurels de nos sociétés voulus et déterminés, après concertation, par des décisions politiques.

2) Cette main d’adulte ou d’aîné pourrait symboliser la personne qui a fait l’expérience d’une relation si fructueuse et forte avec le Seigneur dans la foi qu’elle ne peut la garder pour elle-même. Elle est désireuse de la transmettre et de la partager avec une autre personne. Bien souvent, nous entendons dire : « pourquoi faire baptiser mon enfant encore bébé ? ».
Quoi répondre dans ce cas ? Ne serait-ce pas dans la même logique que des parents chrétiens souhaitent faire baptiser leur enfant dès leur plus jeune âge, non pas pour leur imposer la foi chrétienne ou pour faire plaisir aux grands-parents, et que sais-je ! Mais, c’est plutôt parce qu’ils ont vécu une telle expérience forte de l’amour de Jésus, l’ami, le frère, le bon pasteur ou le Sauveur qu’ils ne veulent pas garder ce trésor pour eux ? Ils veulent le faire partager à leurs enfants, comme une semence, même si ces derniers prendront du temps ou pas du tout pour adhérer pleinement à la foi et l’entretenir avec l’aide des proches.
Nous pouvons aussi voir dans cette scène la Sainte Famille qui est réunie. Elle nous rappelle comment Marie et Joseph vont prendre soin de Jésus, leur enfant. Et là, nous pouvons aussi voir que Jésus nous est confié à travers cette main qui soutient la crèche. En prenant soin de notre foi, la manière dont nous l’entretenons, seuls et avec les autres, nous prenons aussi soin de Jésus, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous au coeur de sa création.
Notre foi se veut bien incarnée, notre foi se veut amour, amitié, service et paix, comme
nous le rappelle Sainte Mère Teresa.

3) Si Dieu, en cette nuit de Noël, nous rappelle à travers la commémoration de la naissance de son Fils qu’il nous permet de prendre soin de Lui, qu’Il nous laisse le porter quand nous poursuivons l’oeuvre de sa création, nous pouvons aussi dire qu’il nous porte volontiers.
Vous connaissez certainement la belle histoire d’Ademar de Borros, celle des deux pas restant sur le sable. Cette histoire qui nous rappelle comment Dieu nous a portés quand nous étions perdus ou pris par tant de soucis. Et nous qui nous croyons que nous étions abandonnés par lui et que c’était nos pas qui étaient restés sur le sable… Non, Dieu ne nous abandonne pas.
Pour finir, je vous laisse avec une belle image que j’ai apprise quand je vivais dans l’ouest du Cameroun au pays du peuple Bamileke. Dans la langue Bandjoun, le mot « merci » n’existe pas. A la place ou pour dire l’équivalent du mot « merci », ils disent, « Motòkwa » qui veut dire : « Si personne ne te porte, que Dieu te porte » !
Pensons à tous ceux et toutes celles qui nous ont « portés », soutenus ou accompagnés cette année dans nos moments de joie comme dans nos moments de souffrance et de difficultés, surtout en ces temps de crise sanitaire et de situation socio-économique difficile.
Prions pour eux et rendons-grâce dans la joie de Noël !
Je vous dis tout simplement : « Motòkwa ».
Joyeux Noël à vous tous et à vos familles! Amen.

Steves Babooram, sj
St-Ferréol, le 24 décembre 2021

Homélie 19 décembre 2021

4ème dimanche de l’Avent C – 19 décembre 2021 – St Ferréol Marseille

Il n’y avait aucune chance pour que cette histoire traverse les siècles et nous parvienne. C’est une histoire banale de deux parentes qui se soutiennent mutuellement et se réjouissent de leur situation. D’autant plus qu’on pouvait s’attendre pour évoquer la naissance du Messie – l’homme le plus important du monde qui vient sauver l’humanité – des faits plus extraordinaires. Mais depuis la mort de Jésus en croix, les évangélistes ont renoncé à tout récit glorieux pour parler de l’amour du Père pour nous. La simplicité, la complicité, la joie habitent la rencontre de ces deux femmes enceintes. Je vous propose de faire maintenant un petit exercice spirituel : dans un petit moment de silence, chacun d’entre nous va se souvenir d’une rencontre de ce type, qui nous a encouragés, soutenus, rendus heureux.
(un moment de silence)
Nos rencontres s’inspirent de cette « visitation ». Il y va de leur qualité. Il y a du bonheur à faire confiance, à espérer, à croire. Quand quelqu’un croit, nous rappelle l’évangile, ce qui lui a été dit s’accomplira. Il s’agit de nous détourner de nos suspicions qui nous rendent aveugles pour abandonner l’accueil. Nous suspectons beaucoup, nous mettons en doute la gratuité des relations ; nous y voyons des arrière-pensées, des calculs. Cela brouille nos rencontres. Marie et Elisabeth sont habitées – y compris physiquement – par la confiance en l’avenir, en la promesse. Que sera cet enfant ? répéteront-elles.
Une seule question nous habite : celui qui vient vers moi est-il porteur en lui des prémices de l’évangile ? C’est le Christ qui vient vers nous à Noël ; c’est le Christ qui révèle aussi ce que chacun porte en lui de Bonne Nouvelle. Il est à la fois celui qui vient et celui qui me fait comprendre du dedans de moi ces mystères, qui m’aide à les reconnaitre.
Au milieu des murmures, des bruits d’argent, des paillettes inutiles, tournons-nous vers Noël et vivons cette fête dans la simplicité.

P. Michel Joseph, sj