Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés
Lc 9, 11-17
Voilà qui est une évidence : après un repas on est rassasié.
Vous avez invité des gens à déjeuner à midi, vous n’allez pas laisser vos invités avoir faim. Il y a des cultures où il n’est pas du tout poli de finir son assiette parce que ce serait un message pour dire je n’ai pas eu assez. Ici, tout le monde est rassasié.
Mais c’est un repas un peu spécial. Qu’est-ce qu’il y a de particulier dans cette nourriture ? Pour le comprendre il faut retourner à l’Ancien Testament, lorsque, à la demande de Moïse, la manne venait nourrir le peuple d’Israël tous les jours. Mais cette manne disparaissait au bout de 24 heures : nourriture éphémère.
Depuis cette multiplication des pains, tout est différent. La nourriture divine est toujours présente pour nous rassasier. Elle est symbolisée par ce que nous recevons à chaque eucharistie. Il n’y a pas de limite à sa capacité de nourriture. Il n’y a pas d’interdiction avant de la recevoir. Les 5000 hommes qui ont reçu cette nourriture n’ont pas passé un examen de morale avant de la recevoir. Ils ne sont pas parfaits et sans péché. Jésus a distribué cette nourriture à tous sans exception. Il continue à le faire à chaque eucharistie.
Mais c’est aussi une nourriture qui dure, car il en reste 12 corbeilles qu’il faut bien garder et qui vont se conserver, sous-entendu, pour d’autres occasions. Ce n’est donc plus la manne donnée chaque jour, qui ne comble pas la faim au-delà de 24h. Cette multiplication des pains nourrit et rassasie pleinement.
« Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ».
Il faut essayer de comprendre la force et l’ampleur de la visée symbolique de cette conclusion.
Ces 5 000 hommes sont rassasiés après la faim qu’ils ressentent. Il s’agit d’une faim de nourriture d’abord. Mais le miracle peut aussi s’appliquer à d’autres faims plus contemporaines, à notre faim d’objet multiples, à notre désir de posséder plus, de nous assurer matériellement, de remplir notre esprit. Le Christ nous libère de ces désirs et « nous serons rassasiés ». Nous n’aurons plus faim de consommation.
Le Christ nous libère de ces désirs. Il ne va pas nous donner des frigidaires et des billets d’avion. Mais il nous libère de ces désirs de possessions en comblant notre coeur et notre âme de sa vérité et de son amour. Si nous l’accueillons en nos vies, nous serons libérés de tous ces désirs car notre coeur sera plein de lui, de sa parole, de son questionnement en nous. Nous ne serons plus à la recherche sans cesse de toujours plus de biens, de toujours plus d’impressions et de sensations, de toujours plus d’occupations. Nous serons libérés de toutes nos addictions à l’achat, à la consommation, à l’hyperactivité.
Nous serons rassasiés. Nous sommes rassasiés spirituellement.
Quelle libération ! Nous n’avons plus faim de consommation, nous n’avons plus envie du dernier gadget, de la dernière voiture, du voyage en plus. Nous sommes rassasiés, le coeur libre de toute envie. Voilà tout ce que la multiplication des pains nous apporte. Accueillons cette nourriture dans nos vies.
Pierre de Charentenay, sj
Saint-Ferréol, le 19 juin 22