Homélie du 5 février

Le sel de la paix, la lumière de l’unité: Matthieu 5, 13-16

Vous avez tous vu des images du voyage du pape au Congo notamment avec cette grande messe à Kinshasa où peut-être 1 million de personnes chantaient et dansaient, dans une ambiance extraordinaire. Belle image de l’Eglise d’Afrique.
Dans ce pays gigantesque divisé par la guerre, la guerre des clans ou la guerre avec ses voisins, le pape a parlé de paix et d’unité. Il a parlé du respect du droit et de la loi en refusant la corruption et la violence.
Il n’allait pas faire la leçon aux Congolais sur les manières de s’organiser dans leur pays, sur leur théologie ou leur liturgie. Il leur a parlé de paix et d’unité. Il leur a parlé de la vérité et de la loi commune. Il leur a parlé de valeurs fondamentales, qui sont à chaque page de l’Evangile.
Je vous en lis quelques lignes :
« Ce pays immense et plein de vie, ce diaphragme de l’Afrique, frappé par la violence comme par un coup de poing dans l’estomac, semble depuis longtemps avoir perdu son souffle. Et tandis que vous, Congolais, vous luttez pour sauvegarder votre dignité et votre intégrité territoriale contre les méprisables tentatives de fragmentation du pays, je viens à vous, au nom de Jésus, comme un pèlerin de réconciliation et de paix ». Et au Soudan du Sud, il a été encore plus direct : « Frères et sœurs, c’est l’heure de la paix ». Et encore, « les processus de réconciliation semblent paralysés et les promesses de paix restent inaccomplies. Le chemin de paix est un « chemin tortueux », mais qui « ne peut plus être reporté ».
Voilà ce que l’Eglise doit apporter au monde d’aujourd’hui, le chemin de la paix par la réconciliation. C’est le trésor des chrétiens.
« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde », nous dit l’Évangile.
S’ils doivent être le sel de la terre et la lumière du monde, cela veut bien dire que les chrétiens ont une mission sur la terre.
Le pape nous montre dans ses voyages ce que cela veut dire.
Et pour le comprendre plus précisément, il est intéressant d’aller voir ce que le concile Vatican II nous dit.
Dans la grande constitution Gaudium et Spes, texte fondamental sur les rapports de l’Eglise avec le monde, il y a tout un chapitre sur le rôle de l’Eglise par rapport au monde, ce qu’elle peut lui apporter. Étant donné son rayonnement universel, et ses valeurs communes selon l’Évangile, l’Eglise invite chacun à travailler pour la paix et l’unité.
Je vous cite ce grand texte, n° 42 : « comme l’Eglise n’est liée à aucune forme particulière de culture ni à aucun système politique économique ou social, l’Eglise peut être un lien très étroit entre les différentes communautés humaines et entre les différentes nations ».
Et plus loin : « l’Eglise avertit ses fils et même tous les hommes qu’il leur faut dépasser, dans cet esprit de la famille des enfants de Dieu, toutes les dissensions entre nations et entre races ».
Le sel de la terre a un gout de paix et la lumière un gout d’unité. Sachons en vivre pour le répandre à travers le monde.

Pierre de Charentenay, sj
St-Ferréol, le 5 février 23

Homélie de Mgr Aveline: 2 février

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, avec toute l’Eglise, nous fêtons la Présentation de Jésus au Temple. Et pour nous, à Marseille, cette fête liturgique est l’occasion d’un rendez-vous matinal avec les racines de notre foi. Année après année, jeunes et adultes, nous venons ici des quatre coins du diocèse, comme pour ajouter un nouveau maillon à la longue chaîne qui remonte jusqu’à la foi des premiers chrétiens de cette ville, réunis en ce lieu autour de leurs martyrs. Et de ce berceau de notre Église de Marseille que sont les cryptes de cette basilique, chacun repartira tout à l’heure avec un peu de lumière pour éclairer sa vie et orienter ses pas.

En Orient, vous le savez, on appelle cette fête : « fête de la Rencontre », car il s’agit bien, sous la plume de saint Luc, de signifier la rencontre entre le Seigneur qui vient et le peuple des croyants qui l’attendent, peuple représenté ici par Syméon et Anne. Marie, lors de la Visitation, avait déjà conduit l’enfant qu’elle portait en elle à la rencontre de celui qui deviendrait Jean-Baptiste et se trouvait encore dans le sein d’Élisabeth. Et de cette rencontre, avant même la naissance du Christ, avait jailli le Magnificat, après que Marie eut entendu Élisabeth se demander : « comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Et maintenant, quarante jours après sa naissance, voici que Jésus est porté jusqu’au Temple, dans les bras de ses parents, à la rencontre de son peuple, représenté par Syméon et Anne. Et comme le Magnificat avait jailli du cœur de Marie après la Visitation, le Nunc dimittis jaillit du cœur de Syméon quand il reçoit dans ses bras le petit enfant Jésus : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole ».

Ce matin, si vous le voulez bien, contemplons ce beau geste par lequel la Vierge Marie, venue présenter son enfant au Seigneur, l’offre à son peuple. Une mère ne donne pas facilement son enfant aux bras d’un inconnu. D’autant que Syméon et Marie ne se ressemblent guère. Un homme et une femme, un habitant de Jérusalem et une fille de Galilée ; le grand âge et la jeunesse ; la longue attente d’un juste, à qui l’Esprit a soufflé à l’oreille qu’il verrait l’auteur de la vie avant de s’en aller dans la mort, et une jeune fille qui va de surprise en surprise, gardant tout dans son cœur sans savoir où le vent de l’Esprit va les conduire, elle, son mari et son fils. Que sera désormais sa vie, cette vie qu’elle a placée elle-même au service du Seigneur, abandonnée entre ses mains : « voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole », avait-elle répondu à l’ange de l’Annonciation ? Et là, sur le seuil du Temple, Syméon avertit la jeune mère que son fils, ce petit enfant qu’il serre avec tendresse non seulement dans ses bras, mais, selon le mot grec que Luc utilise ici, dans « le creux de ses bras » (eis tas agkalas), sera aussi un signe de contradiction.

L’Église, chers amis, ne s’y est pas trompée qui, en nous invitant à prier, chaque soir, à l’office des Complies avec les paroles du vieillard Syméon, nous apprend à nous préparer, au soir de chacune de nos journées, à la grande rencontre au soir de notre vie. Car au fond, qu’est-ce qu’une vie, quand on y réfléchit bien, sinon le temps que Dieu nous donne pour nous préparer à sa rencontre ? On peut vivre longtemps sans penser à ce qu’est la vie. Pourtant, une vie, ce n’est qu’un peu de temps qu’on a devant soi et qui s’écoule jour après jour, parfois heureux, parfois douloureux, parfois dans l’inquiétude, parfois dans l’insouciance. Nul ne sait quelle sera la durée de ce temps, mais ce que l’on sait, c’est qu’au soir de notre vie, c’est sur l’amour, et seulement sur l’amour, que nous serons jugés. Pas sur nos convictions philosophiques ni même nos appartenances religieuses, mais sur l’amour. La densité d’une vie, c’est son poids d’amour. Saint Jean ne s’y est pas trompé, qui écrivait, au soir du lavement des pieds, juste avant que le Christ n’entre dans sa Passion : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». Et il notait, un peu plus loin, ces paroles du Christ : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

Toi qui es venu à Saint-Victor ce matin, n’oublie pas qu’en dessous de cette basilique, il y a les cryptes où reposent les martyrs de Marseille, celles et ceux qui, par amour du Christ, n’ont pas craint le glaive de la persécution, comme Syméon en avait averti Marie, la mère des croyants. Toi qui est venu prier avec les chrétiens d’aujourd’hui, de toutes générations, n’oublie pas la joie et la tendresse de Marie, sa force aussi, sa présence fidèle et maternelle. Regarde Syméon et Anne : ils sont vieux, mais dans leur cœur, ils ont l’âge de leur espérance, et l’espérance renouvelle sans cesse la disponibilité à la rencontre. Espérance qui peut être subversive lorsqu’il s’agit de ne laisser personne sur le bord du chemin. Médite ce que nos anciens de Marseille, avaient compris, dès le début du Ve siècle, avant même que l’Église universelle ne l’affirme au Concile d’Éphèse en 431, à savoir que Marie est la Theotokos, la mère de Dieu, comme l’indique la dédicace du monastère cassianite, à partir duquel fut bâtie cette abbaye. Oui, depuis que saint Jean Cassien a ramené d’Orient la tradition de la fête de la Chandeleur, les Marseillais se sont attachés à la Vierge Marie, cette jeune femme fragile et courageuse, attentive et fidèle, celle qui écoute nos peines et nous redonne l’espérance, celle qui n’a pas craint de donner son Fils au monde, d’abord en laissant Syméon le recueillir au creux de ses bras, puis en se tenant près de lui, au pied de la Croix, jusqu’à le recueillir elle-même, Pieta si émouvante, dans ses propres bras, pour que, par ce Fils, le monde soit sauvé.

Comme il est grand le mystère de ce Dieu qui accepte de se laisser prendre par un pauvre vieillard dans le creux de ses bras ! Comme il est grand le mystère de ce Dieu tout puissant qui accepte de prendre du temps pour grandir en taille et en sagesse sous le regard attendri d’un jeune couple ! Permettez-moi de remarquer encore une dernière chose. C’est que cette rencontre au Temple, une rencontre pleine de joie, d’espérance et de tendresse, est aussi une rencontre qui appelle au courage. Et il nous en faut tout particulièrement aujourd’hui. Nous aussi, nous devons parfois être des signes de contradiction. Je pense aux paroles fortes du Pape François au Congo hier avant de se rendre au Soudan. Je pense à la résistance héroïque des chrétiens d’Arménie. Je pense à la foi du peuple ukrainien. Et pour la France, je ne vous cache pas mon inquiétude par rapport aux projets de révision des lois de bioéthique sur la fin de vie, ou encore quand certaines idéologies tentent de diviser la famille humaine en distillant des messages de haine et de repli sur soi. Ne rêvons pas d’un christianisme bisounours et tranquille, qui se contenterait de faire de belles liturgies comme celle de ce matin, mais qui ne comporterait aucun engagement dans la société. Je pense aux adolescents de nos quartiers, que l’oisiveté et bien d’autres causes, qui souvent ne dépendent pas d’eux, maintiennent enfermés dans les réseaux de la drogue, avec leurs déchaînements de violences et leur mépris des vies humaines lorsqu’il s’agit d’augmenter leurs gains. Ce matin, prions pour tous les Marseillais, que la Mère de Dieu est venue visiter et bénir, sur les bords du Lacydon et du haut de la colline de la Garde. Prions pour la ville et pour tout le diocèse.

Chers jeunes, vous avez marché dans la nuit. Mais trouver le Vieux Port ou l’abbaye Saint-Victor, même de nuit, ce n’est pas trop compliqué ! En revanche, s’orienter dans la vie est souvent plus difficile. Emportez donc, si vous le voulez bien, cette petite boussole évangélique qui vous permettra de retrouver les balises d’un chemin de foi : la joie, l’espérance, la tendresse et le courage. Et permettez que je vous donne un dernier conseil : si vous le pouvez, revenez dans la semaine, quand vous aurez bien dormi. Revenez et regardez le peuple de Marseille qui va défiler dans cette basilique à la rencontre de son Seigneur. Emboîtez le pas de l’Église. Venez en pèlerins : le Christ vous attend ! Prenez-le, comme Syméon, dans le creux de vos bras et laissez-le vous guider au chemin de l’amour.

Amen !

+ Jean-Marc Aveline

Jeudi 2 février 2023

Homélie du 29 janvier: Saint Matthieu 5, 1-12a

« Qui nous fera le bonheur ? » (Ps 4) Cette question vient de loin, dans l’histoire de
l’humanité ; elle vient aussi de près, car cette question est la nôtre. « Qui nous fera voir le
bonheur ? ». Quête incessante. Cette page d’évangile, les Béatitudes, nous apporterait-elle
une réponse ? Oui, elle nous met sur une piste essentielle, à condition d’évacuer d’abord
quelques pièges liés à sa lecture.
Les Béatitudes ne sont pas une charte ni un résumé de la foi chrétienne : il manque l’Esprit Saint, la Passion et Résurrection du Christ, l’Eglise … Elles ne doivent pas être non plus comprises comme une compensation, une invitation à se consoler à moindre frais, à maintenir les « pauvres » dans leur situation sociale, à ne pas lutter. Des philosophes ont critiqué ainsi le christianisme et l’Eglise.
Les Béatitudes sont un appel à ceux qui veulent suivre le Christ, un appel à se mettre dans les dispositions les plus propices à recevoir le règne de Dieu. Les premières béatitudes déclarent que les hommes considérés d’ordinaire comme malheureux et maudits sont les plus aptes à accueillir la bénédiction de Dieu. Il faut le redire : personne, même dans les situations les plus compliquées, même lorsqu’on se sent écrasé, personne n’est exclu du bonheur de l’évangile.
Le prophète Sophonie et Saint Paul vont plus loin : ce sont ceux-là même, les pauvres de Dieu, qui accueillent la Bonne Nouvelle. Les autres Béatitudes disent plus ce qu’on doit faire pour trouver le bonheur : lutter pour la justice, construire la paix, entretenir la simplicité du cœur…
Ces Béatitudes ont été prononcées par Jésus sur la montagne comme Moïse. Moïse a donné la Loi reçue de Dieu. Jésus se présente comme l’envoyé aux pauvres, aux préférés de Dieu. Les Béatitudes sont le portrait de Jésus. Toute sa vie va l’illustrer. Toute la vie de Jésus nous montre qui est Dieu et ses préférences. C’est bien lui qui nous fait voir le bonheur.
Vous le savez, le bonheur n’est pas dans l’avidité des biens, ni dans la recherche de la vaine
gloire. Il est dans le cœur pauvre, simple, accueillant. Il est dans la pratique de la justice, de la paix. Jésus nous préfère tous ainsi. Accueillons-le.

Michel Joseph, sj
St-Ferréol, le 29 janvier 23