Homélie de Mgr Aveline: 2 février

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, avec toute l’Eglise, nous fêtons la Présentation de Jésus au Temple. Et pour nous, à Marseille, cette fête liturgique est l’occasion d’un rendez-vous matinal avec les racines de notre foi. Année après année, jeunes et adultes, nous venons ici des quatre coins du diocèse, comme pour ajouter un nouveau maillon à la longue chaîne qui remonte jusqu’à la foi des premiers chrétiens de cette ville, réunis en ce lieu autour de leurs martyrs. Et de ce berceau de notre Église de Marseille que sont les cryptes de cette basilique, chacun repartira tout à l’heure avec un peu de lumière pour éclairer sa vie et orienter ses pas.

En Orient, vous le savez, on appelle cette fête : « fête de la Rencontre », car il s’agit bien, sous la plume de saint Luc, de signifier la rencontre entre le Seigneur qui vient et le peuple des croyants qui l’attendent, peuple représenté ici par Syméon et Anne. Marie, lors de la Visitation, avait déjà conduit l’enfant qu’elle portait en elle à la rencontre de celui qui deviendrait Jean-Baptiste et se trouvait encore dans le sein d’Élisabeth. Et de cette rencontre, avant même la naissance du Christ, avait jailli le Magnificat, après que Marie eut entendu Élisabeth se demander : « comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Et maintenant, quarante jours après sa naissance, voici que Jésus est porté jusqu’au Temple, dans les bras de ses parents, à la rencontre de son peuple, représenté par Syméon et Anne. Et comme le Magnificat avait jailli du cœur de Marie après la Visitation, le Nunc dimittis jaillit du cœur de Syméon quand il reçoit dans ses bras le petit enfant Jésus : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole ».

Ce matin, si vous le voulez bien, contemplons ce beau geste par lequel la Vierge Marie, venue présenter son enfant au Seigneur, l’offre à son peuple. Une mère ne donne pas facilement son enfant aux bras d’un inconnu. D’autant que Syméon et Marie ne se ressemblent guère. Un homme et une femme, un habitant de Jérusalem et une fille de Galilée ; le grand âge et la jeunesse ; la longue attente d’un juste, à qui l’Esprit a soufflé à l’oreille qu’il verrait l’auteur de la vie avant de s’en aller dans la mort, et une jeune fille qui va de surprise en surprise, gardant tout dans son cœur sans savoir où le vent de l’Esprit va les conduire, elle, son mari et son fils. Que sera désormais sa vie, cette vie qu’elle a placée elle-même au service du Seigneur, abandonnée entre ses mains : « voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole », avait-elle répondu à l’ange de l’Annonciation ? Et là, sur le seuil du Temple, Syméon avertit la jeune mère que son fils, ce petit enfant qu’il serre avec tendresse non seulement dans ses bras, mais, selon le mot grec que Luc utilise ici, dans « le creux de ses bras » (eis tas agkalas), sera aussi un signe de contradiction.

L’Église, chers amis, ne s’y est pas trompée qui, en nous invitant à prier, chaque soir, à l’office des Complies avec les paroles du vieillard Syméon, nous apprend à nous préparer, au soir de chacune de nos journées, à la grande rencontre au soir de notre vie. Car au fond, qu’est-ce qu’une vie, quand on y réfléchit bien, sinon le temps que Dieu nous donne pour nous préparer à sa rencontre ? On peut vivre longtemps sans penser à ce qu’est la vie. Pourtant, une vie, ce n’est qu’un peu de temps qu’on a devant soi et qui s’écoule jour après jour, parfois heureux, parfois douloureux, parfois dans l’inquiétude, parfois dans l’insouciance. Nul ne sait quelle sera la durée de ce temps, mais ce que l’on sait, c’est qu’au soir de notre vie, c’est sur l’amour, et seulement sur l’amour, que nous serons jugés. Pas sur nos convictions philosophiques ni même nos appartenances religieuses, mais sur l’amour. La densité d’une vie, c’est son poids d’amour. Saint Jean ne s’y est pas trompé, qui écrivait, au soir du lavement des pieds, juste avant que le Christ n’entre dans sa Passion : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». Et il notait, un peu plus loin, ces paroles du Christ : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

Toi qui es venu à Saint-Victor ce matin, n’oublie pas qu’en dessous de cette basilique, il y a les cryptes où reposent les martyrs de Marseille, celles et ceux qui, par amour du Christ, n’ont pas craint le glaive de la persécution, comme Syméon en avait averti Marie, la mère des croyants. Toi qui est venu prier avec les chrétiens d’aujourd’hui, de toutes générations, n’oublie pas la joie et la tendresse de Marie, sa force aussi, sa présence fidèle et maternelle. Regarde Syméon et Anne : ils sont vieux, mais dans leur cœur, ils ont l’âge de leur espérance, et l’espérance renouvelle sans cesse la disponibilité à la rencontre. Espérance qui peut être subversive lorsqu’il s’agit de ne laisser personne sur le bord du chemin. Médite ce que nos anciens de Marseille, avaient compris, dès le début du Ve siècle, avant même que l’Église universelle ne l’affirme au Concile d’Éphèse en 431, à savoir que Marie est la Theotokos, la mère de Dieu, comme l’indique la dédicace du monastère cassianite, à partir duquel fut bâtie cette abbaye. Oui, depuis que saint Jean Cassien a ramené d’Orient la tradition de la fête de la Chandeleur, les Marseillais se sont attachés à la Vierge Marie, cette jeune femme fragile et courageuse, attentive et fidèle, celle qui écoute nos peines et nous redonne l’espérance, celle qui n’a pas craint de donner son Fils au monde, d’abord en laissant Syméon le recueillir au creux de ses bras, puis en se tenant près de lui, au pied de la Croix, jusqu’à le recueillir elle-même, Pieta si émouvante, dans ses propres bras, pour que, par ce Fils, le monde soit sauvé.

Comme il est grand le mystère de ce Dieu qui accepte de se laisser prendre par un pauvre vieillard dans le creux de ses bras ! Comme il est grand le mystère de ce Dieu tout puissant qui accepte de prendre du temps pour grandir en taille et en sagesse sous le regard attendri d’un jeune couple ! Permettez-moi de remarquer encore une dernière chose. C’est que cette rencontre au Temple, une rencontre pleine de joie, d’espérance et de tendresse, est aussi une rencontre qui appelle au courage. Et il nous en faut tout particulièrement aujourd’hui. Nous aussi, nous devons parfois être des signes de contradiction. Je pense aux paroles fortes du Pape François au Congo hier avant de se rendre au Soudan. Je pense à la résistance héroïque des chrétiens d’Arménie. Je pense à la foi du peuple ukrainien. Et pour la France, je ne vous cache pas mon inquiétude par rapport aux projets de révision des lois de bioéthique sur la fin de vie, ou encore quand certaines idéologies tentent de diviser la famille humaine en distillant des messages de haine et de repli sur soi. Ne rêvons pas d’un christianisme bisounours et tranquille, qui se contenterait de faire de belles liturgies comme celle de ce matin, mais qui ne comporterait aucun engagement dans la société. Je pense aux adolescents de nos quartiers, que l’oisiveté et bien d’autres causes, qui souvent ne dépendent pas d’eux, maintiennent enfermés dans les réseaux de la drogue, avec leurs déchaînements de violences et leur mépris des vies humaines lorsqu’il s’agit d’augmenter leurs gains. Ce matin, prions pour tous les Marseillais, que la Mère de Dieu est venue visiter et bénir, sur les bords du Lacydon et du haut de la colline de la Garde. Prions pour la ville et pour tout le diocèse.

Chers jeunes, vous avez marché dans la nuit. Mais trouver le Vieux Port ou l’abbaye Saint-Victor, même de nuit, ce n’est pas trop compliqué ! En revanche, s’orienter dans la vie est souvent plus difficile. Emportez donc, si vous le voulez bien, cette petite boussole évangélique qui vous permettra de retrouver les balises d’un chemin de foi : la joie, l’espérance, la tendresse et le courage. Et permettez que je vous donne un dernier conseil : si vous le pouvez, revenez dans la semaine, quand vous aurez bien dormi. Revenez et regardez le peuple de Marseille qui va défiler dans cette basilique à la rencontre de son Seigneur. Emboîtez le pas de l’Église. Venez en pèlerins : le Christ vous attend ! Prenez-le, comme Syméon, dans le creux de vos bras et laissez-le vous guider au chemin de l’amour.

Amen !

+ Jean-Marc Aveline

Jeudi 2 février 2023

Homélie du 29 janvier: Saint Matthieu 5, 1-12a

« Qui nous fera le bonheur ? » (Ps 4) Cette question vient de loin, dans l’histoire de
l’humanité ; elle vient aussi de près, car cette question est la nôtre. « Qui nous fera voir le
bonheur ? ». Quête incessante. Cette page d’évangile, les Béatitudes, nous apporterait-elle
une réponse ? Oui, elle nous met sur une piste essentielle, à condition d’évacuer d’abord
quelques pièges liés à sa lecture.
Les Béatitudes ne sont pas une charte ni un résumé de la foi chrétienne : il manque l’Esprit Saint, la Passion et Résurrection du Christ, l’Eglise … Elles ne doivent pas être non plus comprises comme une compensation, une invitation à se consoler à moindre frais, à maintenir les « pauvres » dans leur situation sociale, à ne pas lutter. Des philosophes ont critiqué ainsi le christianisme et l’Eglise.
Les Béatitudes sont un appel à ceux qui veulent suivre le Christ, un appel à se mettre dans les dispositions les plus propices à recevoir le règne de Dieu. Les premières béatitudes déclarent que les hommes considérés d’ordinaire comme malheureux et maudits sont les plus aptes à accueillir la bénédiction de Dieu. Il faut le redire : personne, même dans les situations les plus compliquées, même lorsqu’on se sent écrasé, personne n’est exclu du bonheur de l’évangile.
Le prophète Sophonie et Saint Paul vont plus loin : ce sont ceux-là même, les pauvres de Dieu, qui accueillent la Bonne Nouvelle. Les autres Béatitudes disent plus ce qu’on doit faire pour trouver le bonheur : lutter pour la justice, construire la paix, entretenir la simplicité du cœur…
Ces Béatitudes ont été prononcées par Jésus sur la montagne comme Moïse. Moïse a donné la Loi reçue de Dieu. Jésus se présente comme l’envoyé aux pauvres, aux préférés de Dieu. Les Béatitudes sont le portrait de Jésus. Toute sa vie va l’illustrer. Toute la vie de Jésus nous montre qui est Dieu et ses préférences. C’est bien lui qui nous fait voir le bonheur.
Vous le savez, le bonheur n’est pas dans l’avidité des biens, ni dans la recherche de la vaine
gloire. Il est dans le cœur pauvre, simple, accueillant. Il est dans la pratique de la justice, de la paix. Jésus nous préfère tous ainsi. Accueillons-le.

Michel Joseph, sj
St-Ferréol, le 29 janvier 23

Homélie du 22 janvier 2023

3ème dimanche du Temps ordinaire
Dimanche de la Parole Saint Matthieu 4, 12-23

Ce dimanche est le « Dimanche de la Parole de Dieu » institué par le pape François en 2013 ; cette initiative fait suite à une assemblée des évêques sur la Parole de Dieu en 2008. L’idée est que le langage de Dieu a pris le langage des hommes.
C’est une incarnation. Il y a une incarnation de Dieu dans les langues, comme il y a une incarnation de Dieu en Jésus Christ. La Parole de Dieu que nous entendons, c’est Dieu incarné dans la Parole.

Mais alors vous me direz, ces textes de l’ancien et du nouveau testament sont des textes sacrés, immuables qu’on ne peut pas discuter et qui doivent être reçus dans leur intégralité, puisque c’est Dieu incarné. On parle bien des Saintes Ecritures. Si c’est bien vrai, cela ne veut pas dire pour autant que ces textes sont reçus de Dieu, toute écrits là-haut dans les nuages et envoyés sur terre comme une lettre par la poste qui viendrait du ciel.
La Bible a été écrite par petits bouts, avec des auteurs différents, des ajouts et des choix de paroles et de récits. C’est le travail de centaines d’années pour l’ancien testament et de dizaines d’années pour le nouveau. Ce travail a été fait sous l’action de l’Esprit Saint qui a guidé les rédacteurs et ceux qui ont fait des choix pour arriver à la version finale. C’est en cela que c’est une parole sacrée.

Il nous faut alors lire la Parole de Dieu, l’Ecriture Sainte, comme elle a été écrite, c’est-à-dire sous l’action de l’Esprit Saint. « la Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit que celui qui la fit rédiger » : pour ceux qui l’accueillent avec foi, elle est Parole de Dieu mise en forme par l’action de l’Esprit Saint

L’Esprit Saint a été efficace pour aboutir à un texte, il sera efficace pour nous le faire comprendre et pour nous inspirer dans son application. Il faut donc le lire avec l’Esprit de Dieu. Mais quelle est notre fréquentation de la parole de Dieu ? Est-ce que nous lisons la Bible ? Mes parents qui auraient plus de 100 ans aujourd’hui avaient dû demander une autorisation à leur curé pour lire la Bible. C’était avant le Concile. Maintenant on trouve la Bible partout et tout le monde y a accès. Avez-vous l’habitude de la lire ?
Pourquoi la lire ? Mais parce que c’est là que nous trouvons ce que Dieu dit à l’homme et nous dit. C’est par là qu’il peut nous parler si nous sommes attentifs.
Nous verrons par exemple la lumière dans le désordre de nos vies ou dans le désordre de nos communautés. La lumière se fait sur le Capharnaüm de notre évangile, c’est-à-dire la lumière sur le désordre.
La Parole de Dieu, ce sont nos yeux et nos oreilles spirituels pour avancer dans la vie. Cette parole nous dit qu’il est temps de remettre de l’ordre dans nos vies et de nous convertir. Dans la foi chrétienne, la Parole de Dieu a une autorité : suis-je disposé à ce que la Parole de Dieu ait une autorité sur moi ? Comment j’accueille cette incarnation de Dieu ?
C’est le dimanche de la Parole. Redonnons à la Parole de Dieu toute sa force, sa présence et son efficacité dans nos vies.

Pierre de Charentenay, sj
Saint-Ferréol, le 22 janvier 23