Dieu habite ….Marseille, le saviez-vous?

C’est l’été, le temps du repos, des ballades.
Un temps propice aussi pour découvrir différents lieux de Marseille, et découvrir comment prier sur ces lieux.
Des fichiers pour aider à prier dans différents lieux de Marseille, faciles à manipuler, et à ranger dans les sacs.

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Homelie du 27 juin 2021

Jésus guérit. Jésus guérit pleinement. C’est ce qui me semble ressortir de cette longue tranche de l’Évangile de Marc, dans laquelle se trouvent deux récits de guérison, l’un comme « enchâssé » dans l’autre, on va comprendre comment est construit cet Évangile. Mais ce qui ressort de ce passage, c’est que les miracles de guérison manifestent que Dieu est ennemi du mal de l’homme, qu’il est amour, que le Christ, en sa Pâque, va prendre le pouvoir sur toute chose. À notre bénéfice. Ces miracles, ils signifient la fin du conflit entre l’homme et une nature qui s’impose à lui et finit par l’écraser.

Ce n’est pas rien, il est quand même question de maladie et de mort dans ces récits. Le premier d’entre eux met en scène Jaïre, le chef de la synagogue, dont sans doute le travail consiste à organiser le culte, c’est la seule requête, dans l’Évangile de Marc, qui soit introduite par un responsable religieux. Il réclame une imposition des mains, et Jésus va accepter d’aller voir ce qui se passe. Mais ce récit est curieusement interrompu par un autre, celui de la femme atteinte d’un flux de sang visiblement inguérissable… Le narrateur nous décrit assez longuement son sort pénible, on ne sait pas le nom de cette femme mais on connaît sa maladie, qui la rend impure et l’exclut d’une vie conjugale normale, on sait qu’elle s’est ruinée en frais médicaux et qu’elle est seule dans sa vie – et une femme malade, seule, dans le peuple d’Israël de l’époque, elle est dans une situation précaire. Cette femme, elle, croit à la valeur d’un contact physique avec le vêtement de Jésus…

Il y en a un, Jaïre, qui réclame l’imposition des mains, l’autre qui veut toucher le vêtement de Jésus. Tous les deux sont dans une attitude un peu magique, tous les deux sont en proie à une sorte de désespoir. Ils sont comme la fille de Jaïre, « à l’extrémité » : tout a été essayé, tout a échoué, et ils cherchent tous deux une issue dans le Christ. Ne sous-estimons pas l’imperfection de leur approche, finalement, elle dit quelque chose de nous-mêmes : quand nous cherchons à toucher des statues de la Vierge à Lourdes, quand des milliers de bras se tendent pour toucher le manteau du pape qui traverse la place Saint-Pierre (quand il n’y a pas de virus), quand nous demandons à être bénis avec une imposition des mains, quand nous gardons le maillot de foot imprégné de la sueur de notre joueur préféré, hé bien nous ne faisons que prolonger l’attitude de Jaïre, nous le faisons que prolonger l’attitude de la femme hémorroïsse. Notre propre foi est hésitante, balbutiante, cabossée… et le récit de notre histoire, bonne nouvelle, ne s’arrête pas là. C’est la suite qui est intéressante !

La femme guérit et elle le sent dans son corps, mais ça ne s’arrête pas à ce constat. Elle a pensé, peut-être qu’elle pouvait disposer de Jésus à son insu. Jésus, lui, a bien conscience d’avoir été l’objet d’un toucher personnalisé, intentionnel, à ne pas confondre avec un frôlement banal, occasionnel, auquel pensent d’abord ses disciples. Il faut imaginer le suspense quand il pose la question « qui a touché mes vêtements ? ». Et il faut imaginer la crainte de la femme, qui sait qu’elle a transgressé les règles de pureté et se reproche sans doute d’avoir transmis son impureté à son sauveur.

Mais la guérison a réussi au point de lui donner l’audace de prendre la parole en public et de dire « toute la vérité ». « Toute la vérité » !… Je ne sais pas si vous vous rendez compte du poids de cette expression, unique dans l’Évangile de Marc. Là, elle n’est plus dans l’idée de voir Jésus comme un remède. Elle reconnaît la vérité de la transgression qu’elle a osée et celle de la guérison reçue, tout comme la vérité d’une relation libre avec Jésus. Elle ne se tient plus « par-derrière », incognito, dans la foule pour toucher le vêtement, elle est maintenant face-à-face, soit la condition pour une alliance vraie. Et ainsi elle est délivrée d’une double infirmité, celle de son corps en premier lieu, mais aussi celle de son esprit qui avait intégré le discours social dominant qui l’enfermait dans la solitude en la condamnant à éviter tout contact. Elle est sauvée par sa foi et sa prise de parole authentique.

Quant à Jaïre, il avait demandé une imposition des mains, Jésus ne le fera pas, il prendra la main de la petite fille et lui parlera. « Lève-toi » : un mot qui dit la résurrection. C’est l’image du Christ qui vient arracher l’humanité à la mort. On note un parallèle saisissant, celui des douze années : le narrateur signale bizarrement que la jeune fille a douze ans. Une femme atteinte d’hémorragie chronique depuis douze ans vient juste d’être rendue à sa vie féconde normale, tandis qu’ici une jeune fille à l’âge de la puberté retrouve la vie perdue… Surtout, nous avions une femme dont la foi était mêlée de crainte, tout comme celle de Jaïre, à qui Jésus dit « ne crains pas, crois seulement ». Le miracle, vécu comme une rencontre et non plus seulement comme un simple prodige, fera passer ces deux personnes de la peur à la foi plénière, incompatible avec la peur.

Qu’est-ce que ça nous dit, tout cela ? Je vous propose de garder ce passage d’une foi craintive, teintée de superstition, à la foi totale, celle qui sauve véritablement. Ce qui fait pivot, c’est la confiance que fait la femme guérie pour dire au Seigneur « toute la vérité ». À nous aussi, il nous est proposé de faire ce passage, et cet enjeu de dire « toute la vérité », nous y sommes convoqués dans nos relations interpersonnelles, amicales, familiales, conjugales… Un homme et une femme qui s’aiment véritablement, qui veulent vivre de la même alliance que Dieu a faite avec son peuple, ils peuvent progresser dans cette manière de se dire, l’un à l’autre, « toute la vérité », et se débarrasser de leurs vieilles peurs. Peut-être petit à petit car la confiance, cela s’apprend, ce n’est pas forcément inné, mais voilà, il y a une manière de se révéler l’un à l’autre et de se dire mutuellement « peut-être que ce qui m’a fait rapprocher de toi n’était pas complètement clair, parfait, limpide… Mais parce que j’ai confiance, parce que je vois bien que la relation que nous avons me sauve, je veux révéler et te partager cette vérité ». Quand nous atteignons ce niveau de confiance, la vie de Dieu, cela nous transporte. Confions-nous les uns les autres au Seigneur de la vie, Lui seul qui sauve et guérit, pour qu’il nous fasse progresser dans cette foi.

Romain Subtil, sj
Saint-Ferréol, le 27 juin 21

Homélie Mgr Aveline: Fête du Sacré-Coeur

Le vœu des Échevins

«  Jésus venait de mourir… » C’est ainsi qu’a commencé le passage du récit évangélique que nous venons d’entendre. « Jésus venait de mourir… » Et ainsi semblait se terminer l’étonnante aventure de ce Juif de Galilée qui, pendant trois ans, avait soulevé les foules avant qu’elles ne se retournent contre lui et n’en viennent à l’abandonner à son triste sort, crucifié comme un brigand entre deux brigands. Que s’était-il passé ? Avait-il fait une erreur de communication dans sa campagne en vue de prendre le pouvoir ? Avait-il mal choisi ses collaborateurs ? Avait-il, en mauvais stratège politique, déçu ses partisans sans parvenir à rallier ses opposants ? De toutes façons, maintenant, c’était fini ! Il avait reçu bien plus qu’une gifle sur le chemin qui mène au Golgotha : des injures, des crachats, des calomnies et autres coups bas en tous genres.

Jésus avait-il échoué ? Tout porte à croire que oui. Et pourtant les chrétiens – et c’est le cœur de leur foi – osent dire que non. En se laissant condamner parce qu’il avait osé fréquenter les pauvres et les pécheurs, guérir les malades, rendre leur dignité aux exclus, et réveiller la liberté des enfants de Dieu, Jésus avait simplement accompli la mission qu’il avait reçue de son Père, celle d’exprimer, jusqu’au don de sa vie, l’amour que Dieu porte à tous les hommes. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13), avait-il averti. Quand, trois jours après la mort de Jésus, Marie-Madeleine, « notre » Marie-Madeleine de la Sainte Baume, cette femme de petite vertu, que la bonté du Christ avait pardonnée et relevée, quand donc Marie-Madeleine se rendit au tombeau pour embaumer le corps de Jésus, le tombeau était vide. Elle croisa un homme, qu’elle prit pour le jardinier : c’était Jésus ressuscité. Personne n’avait été témoin de sa résurrection. Mais Marie-Madeleine, « notre » Marie-Madeleine, celle qui, avant de monter à la Sainte-Baume, séjourna dans une grotte au bord du ruisseau des Aygalades, Marie-Madeleine, donc, fut la première à témoigner que Jésus, qui avait connu la mort, était entré dans la vie. En lui, l’amour avait vaincu la mort. Comme l’écrivit un jour Dimitri de Rostov, un évêque ukrainien mort en 1709 et canonisé par l’Église orthodoxe, « le monde a blessé le cœur du Christ parce que le Christ avait aimé le monde de tout son cœur ».

Et Marseille, la Cité phocéenne, Porte de l’Orient et Porte de l’Occident, européenne et méditerranéenne à la fois, Marseille, qui, selon la tradition, accueillit Marie-Madeleine, Lazare et d’autres amis du Christ, Marseille a une mission particulière pour offrir au monde entier le message de l’amour de Dieu et de la fraternité entre les peuples. Tant et tant de missionnaires, des fils d’Eugène de Mazenod aux petits frères et petites sœurs de Charles de Foucauld, sont partis de notre port vers les extrémités du monde, emportant le tendre regard de la Bonne Mère pour affronter avec courage les épreuves et, bien souvent, le martyre ! Et cela continue aujourd’hui : un couple de jeunes chrétiens vient de partir en mission au Cambodge et un autre couple se prépare à partir bientôt dans un pays du sud de l’Afrique. L’Église de Marseille a la mission dans ses veines parce que la ville de Marseille sait d’expérience que c’est l’ouverture aux autres et non le repli sur soi qui a toujours été la source de sa prospérité.

C’est ce que j’ai longuement expliqué au Pape François quand je l’ai rencontré il y a deux mois. Je lui ai parlé de ce que nous vivons ici. Je ne lui ai pas caché les difficultés que nous traversons, notamment la vertigineuse disparité économique entre les quartiers de la ville, avec les répercussions de la pauvreté sur l’éducation des enfants et des jeunes, sur la santé des habitants et sur leur sécurité. Je ne lui ai pas caché la prégnance de plus en plus forte des réseaux de la drogue et de l’islamisme radical, prégnance que la crise sanitaire, exacerbant les tensions, a rendue encore plus violente et dangereuse. Je lui ai parlé des difficultés que nous rencontrons pour l’accueil des personnes migrantes ou réfugiées, difficultés d’autant plus fortes que le taux de chômage est déjà très élevé chez nous, engendrant la pauvreté et même, dans certains quartiers, la misère. Je lui ai dit tout cela et également tout ce que nous essayons de réaliser pour relever ces défis, tous ensemble, responsables politiques et religieux, acteurs économiques et commerciaux, magistrats et militaires, enseignants et soignants, policiers et pompiers, et tant d’autres corps de métiers appelés à coopérer sur le chantier de cette ville que nous aimons car, quand bien même elle se montre souvent exaspérante, elle sait se révéler toujours plus attachante !

Le Pape m’a écouté et j’ai senti qu’il commençait à nous aimer ! Alors je lui raconté quelques-unes des initiatives que notre Église a prises : les petits déjeuners offerts aux personnes de la rue chaque dimanche de l’hiver devant les églises du Centre-Ville et en différents lieux du diocèse, l’admirable travail des frères de Saint-Jean-de-Dieu à l’accueil de nuit de la rue Forbin, les paniers repas préparés pour les étudiants à Saint-Ferréol, le soutien scolaire offerts par des jeunes chrétiens aux enfants des familles pauvres dans les Quartiers Nord, le patient travail de solidarité et de proximité effectué dans les paroisses, les Œuvres de jeunesse, les patronages ou les maisons des familles, au service des plus pauvres et des plus isolés. La tâche de la fraternité est immense, vous le savez comme moi, et, heureusement, il n’y a pas que les chrétiens qui s’en préoccupent. D’ailleurs, nous savons tous d’expérience qu’il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour être généreux ! Mais il serait incompréhensible que les chrétiens ne s’efforcent pas d’apporter leur petite contribution, au nom même de leur foi en Jésus-Christ. Ce matin tout particulièrement, nous nous souvenons que, le 20 juin 1721, il y aura très bientôt trois cents ans, Mgr de Belsunce célébra pour la première fois la fête du Sacré-Cœur, auquel il avait consacré le diocèse et la ville le 1er novembre 1720, pour conjurer le péril de la peste. Et quand, à partir d’avril 1722, l’épidémie connut une « deuxième vague », Mgr de Belsunce entreprit de convaincre les Échevins de s’engager par un vœu à offrir chaque année un cierge pour placer la ville sous la protection de Dieu. C’est ce vœu qu’une fois encore, en votre nom à tous, nous allons renouveler tout à l’heure, avec le président de la Chambre de commerce et d’industrie.

Au fil de la conversation avec le Pape, évoquant avec lui Marseille et la Méditerranée, j’ai senti qu’il nous adoptait et qu’il nous prenait désormais dans sa prière, en attendant le jour béni où, si Dieu le veut, il pourra venir nous rendre visite et encourager notre espérance. En attendant, soyons donc vigilants ! Ne nous libérons pas du virus de la Covid pour replonger dans celui de l’indifférence. Ne renonçons pas à la fraternité sous prétexte de distanciation sociale ! « France, prends garde de perdre ton âme », titraient les Cahiers du Témoignage chrétien à l’automne 1941, suppliant les catholiques de résister aux sirènes du racisme, de l’égoïsme et de l’indifférence qui, aujourd’hui encore, avancent masquées. J’ai souvent pensé que l’on pouvait appliquer à Marseille ce que Georges Bernanos écrivait à propos de la France : « Nous sommes un peuple que le malheur n’endurcit pas ; nous ne sommes jamais plus humains que dans le malheur. Voilà le secret de la faiblesse inflexible qui nous fait survivre à tout. »

« Jésus venait de mourir…  » Mais la faiblesse inflexible de l’amour n’avait pas dit son dernier mot. La petite espérance, comme aurait dit Péguy, s’était mise en chemin, humble et fraternelle, fragile et joyeuse à la fois. « L’idée que nous pourrions sortir meilleurs de cette crise, écrit le Pape François, me nourrit d’espérance. Mais il nous faut voir clair, bien choisir et agir correctement. Et si l’Église a un rôle particulier à jouer en temps de crise, c’est précisément de rappeler au peuple son âme, et la nécessité de respecter le bien commun. »
Si la petite espérance frappe à la porte de votre cœur, ouvrez-lui donc : c’est elle qui nous aidera à sortir meilleurs de cette crise, humblement et fraternellement. Amen !

+ Jean-Marc Aveline
Vendredi 11 juin 2021