Homelie du 3 octobre 2021

La première lecture, tirée du livre de la genèse (Gn 2, 18-24) est un extrait du deuxième récit de la création. Le premier chapitre de la genèse, cosmo-centré, nous racontait dans un poème magistral, comment Dieu a créé l’univers et la terre en 7 jours. Et pour chaque jour Dieu clame son admiration ! Quelle belle vision poétique, positive, du monde et de l’humanité ! Les récits de création n’ont, cela dit en passant, aucune prétention scientifique, mais ils recherchent ce qui était au commencement, littéralement “dans la tête de Dieu“, ils nous racontent le “projet“ de Dieu. La visée est théologique et spirituelle. Le deuxième récit, au chapitre 2, est paradoxalement bien antérieur au 1er. D’après les exégètes, il serait même très ancien et pourrait dater en bonne partie de l’époque du roi Salomon, au 10è siècle avant notre ère. On y voit Dieu artisan qui, tel un potier, modèle l’humain. Il ne s’agit pas de l’homme sexué, le mâle, mais bien de l’humain, en hébreu “Adam“ : celui qui est tiré de l’humus, de la terre, de l’argile, qui se dit en hébreu “adamah“. Le récit traite donc de l’humain, de l’humanité en général et pas d’un individu particulier qui s’appellerait Adam ! Et voici que l’humain, l’Adam éprouve la solitude. Alors Dieu tire de la terre (“adamah“) des animaux terrestres, mais aussi des oiseaux qu’il façonne. Il les amène à l’humain pour qu’il les nomme, comme nous aussi nous apprenons à nommer dès tout petits, les animaux et les fleurs. Et n’est-ce pas une grande joie pour des parents, des grands-parents que de faire exister pour leurs enfants et petits-enfants les êtres vivants dans le champ sémantique qui élargira leurs horizons et les positionnera comme humains au milieu, ou à vrai dire au sommet de la création ? Mais l’émerveillement laisse place chez l’Adam à la solitude éprouvée de manière encore plus forte, car il n’a pas trouvé parmi les animaux qu’il a nommés, une aide qui lui est assortie. Et nous pouvons penser à tous ces jeunes, surtout en cette période de crise sanitaire et de confinements multiples, à tous ces jeunes et parfois même moins jeunes, qui ne trouvent pas de partenaires, pas de conjoint… Certes, les animaux de compagnie peuvent s’avérer utiles et même très précieux quand on vit seul, mais ce n’est pas la même chose qu’un conjoint ! Alors Dieu plonge l’humain littéralement “dans une torpeur“. Cette image préfigure une action extrêmement puissante de Dieu qui dépassera complètement l’entendement humain. Il prend littéralement un flanc, donc un côté bien plus qu’une côte, d’Adam. Un côté, ne seraitce pas peut-être même une moitié ? Peu importe, car voici la première mention d’un être sexué et ce n’est pas l’homme, le mâle, mais bien la femme ishsha qui apparaît en premier. Même si certains archéologues bibliques voient dans ce récit un reliquat de tradition patriarcale, le message est bien celui d’une complémentarité homme/femme, deux êtres sexués, c’est-à-dire littéralement séparés, coupés (du latin “secare“), incomplets, éprouvant la solitude et le besoin l’un de l’autre. L’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme et ils ne formeront plus qu’une seule chair, littéralement une seule révélation.

Dans le texte d’Évangile que nous venons d’entendre, nous voyons des pharisiens qui veulent éprouver Jésus en lui demandant s’il est permis de répudier sa femme. Et Jésus les renvoie à la loi de Moïse, à leur loi. Or la loi de Moïse en question ne parle pas de répudiation si ce n’est dans un seul passage (Dt 24, 1-4). Or dans ce passage, le deutéronomiste ne fait que constater que la répudiation existe. Le texte donne une instruction sur le cas où une femme divorcée et remariée voudrait retourner vers son premier mari. En fait, il semble bien plutôt que l’acte de répudiation tel qu’il est cité par les pharisiens soit plutôt un acte légal d’origine romaine comble de l’ironie pur un pharisien ! Il s’agit en quelque sorte d’un acte de divorce civil établi devant des tribunaux, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Sauf qu’à l’époque le mari pouvait répudier sa femme, mais pas l’inverse. Pour répondre aux pharisiens, Jésus retourne aux sources, au projet de Dieu, à ce fameux verset 27 du 1er chapitre du premier livre de la bible : “Dieu créa l’humain à son image, à son image il le créa, homme et femme il les créa“. Ce verset est cité dans toutes les préparations au mariage dont il donne le sens profond du sacrement : dans l’amour réciproque d’un homme et d’une femme, Dieu reconnait son amour pour son peuple, pour l’humanité, pour chacun d’entre nous. C’est merveilleux et cela devrait nous inviter à prier tous les jours pour les couples, afin qu’ils grandissent dans la belle promesse qu’ils se sont faite et que le Seigneur accompagne et bénit. Quant à la répudiation, Jésus met l’homme et la femme sur pied d’égalité stricte, ce qui est je pense inédit, inouï pour l’époque : dans les deux cas il s’agit d’un adultère. Et voilà les pharisiens renvoyés à leurs études ! La suite de l’Évangile nous parle d’accueillir Dieu comme un enfant. Il n’a pas de rapport direct avec le récit précédent.

Mais il me donne l’occasion de communiquer à ceux qui ne le sauraient pas encore que mardi prochain, dans deux jours, sera officiellement et publiquement remis à la conférence épiscopale française par le professeur Sauvé le rapport de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église), fruit de deux ans de travail minutieux. Il s’agit d’un rapport sans concession, terrible puisqu’on y parle de 200000 cas d’agressions sexuelles commises par des prêtres, religieux et religieuses ces 70 dernières années en France. Comment peut-on abuser de ce qu’il y a de plus beau et de plus innocent dans un enfant : cet élan d’amour qui le porte vers Dieu dont il est par excellence le visage ? Comment peut-on à ce point instrumentaliser Dieu à ses propres fins perverses de pouvoir et de jouissance ? C’est proprement inhumain ! Peut-on imaginer des actes qui défigureraient plus le visage de Dieu ? Nous prions et prierons pour les victimes de pareilles agressions, que leurs auteurs soient engagés dans l’Église ou non d’ailleurs et nous encourageons et encouragerons celles qui se taisent à oser une parole qui les libérera !

Vincent Klein, sj

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« Faire de l’Eglise une maison sûre »

Mesdames, Messieurs,
Chers Frères et Sœurs,

Quelques mots sur la genèse de ce rapport :
• En août 2018, le Pape François a interpellé le Peuple de Dieu au sujet des abus sexuels sur mineurs commis dans l’Eglise.
• Lors de leur assemblée plénière en novembre 2018 à Lourdes, les évêques de France ont décidé la création d’une commission indépendante sur les abus sexuels sur mineurs commis en France par des prêtres. La Conférence des religieux et religieuses de France s’est immédiatement associée à cette démarche.
• Le 13 novembre 2018, Jean-Marc Sauvé, vice- président honoraire du Conseil d’État, a accepté de constituer et de présider cette commission.

La mission de cette commission était :
• d’établir les faits sur ces affaires terribles de pédophilie au sein de l’Eglise, depuis 1950, sur une période de 70 ans.
• de comprendre pourquoi et comment ces drames ont pu avoir lieu et ont été traités.
• d’examiner l’action de l’Eglise pour lutter contre la pédophilie et de faire des recommandations.

Pour leur part, les évêques se sont mis à l’écoute des personnes victimes et ont pris en mars dernier toute une série de décisions supplémentaires qu’ils ont présentées à tous les fidèles dans une lettre aux catholiques de France. Nous sommes engagés dans la mise en œuvre de ces mesures nouvelles pour faire de l’Eglise une maison plus sûre.

Mardi prochain, la publication du rapport de la CIASE va être une épreuve de vérité et un moment rude et grave. Nous allons recevoir et étudier ces conclusions pour adapter nos actions. Je vous tiendrai informé car cette lutte contre la pédophilie nous concerne tous. C’est dans une attitude de vérité et de compassion que j’invite chacun d’entre vous à recevoir le contenu de ce rapport. Mais avant tout, nos pensées, notre soutien et nos prières vont continuer d’aller vers toutes les personnes qui ont été abusées au sein de l’Eglise.

Que le Seigneur de justice et de miséricorde nous conduise sur le chemin d’une vie nouvelle.

Marseille, le 27 septembre 2021
+ Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille

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Homélie du 26 septembre 2021

Ecartez de son coeur les occasions de chute: Mc, 9,38-48

Cet évangile apparait d’une brutalité peu commune, complètement contraire à la tradition de miséricorde qui irrigue tout l’évangile et la vie de Jésus lui-même, et qui fait partie de l’enseignement des papes récents, de Jean-Paul II au pape François. On a l’impression d’un extrémisme qu’on verrait plutôt chez les plus pharisien des pharisiens. On est dans le fondamentalisme et la raideur, qui ne sont pas soutenables.
Même si ce que nous regardons peut provoquer en nous beaucoup de jalousie et d’envie, ce n’est pas pour cela que nous allons arracher notre oeil. Même si les auteurs de pédophilie doivent être sanctionnés, il n’est pas question de leur mettre la corde au cou et de les jeter à la mer.

Alors, qu’est-ce que nous faisons de ce texte gênant ?
Il faut lire tout cela au niveau de nos motivations profondes, de nos désirs véritables, de nos pratiques et de notre regard. Qu’est-ce qui se passe dans notre coeur ?
Nous pouvons être tentés d’arranger un peu la loi pour profiter d’une occasion, un permis de construire bricolé, un passe-droit, un petit mensonge au fisc, un gros mensonge à sa famille pour garantir la considération de tous. Nous sommes jaloux du voisin, de sa maison, de son style de vie, peut-être de son intelligence et de sa réussite. Devant les appels du pape et de l’Eglise à prendre soin des migrants et des réfugiés comme aujourd’hui, nous laissons naitre en nous des réactions de méfiance, de rejet.
Tous ces sentiments qui sont en nous, dès qu’ils naissent dans notre coeur, il faut les éliminer au plus vite, ne pas les laisser prospérer, ne pas laisser la tentation s’installer.
Dans le milieu professionnel, on peut se demander quels moyens on prend pour poursuivre sa carrière. Tricher, écraser le voisin, le mettre sciemment de côté ou le détruire par des rumeurs, enfin tous les moyens que vous imaginez pour l’écarter. Voilà encore des idées à éliminer tout de suite.
Coupe ta main qui cherche à détruire un concurrent. Enlève ton oeil qui te donne un regard de jalousie. Coupe ton pied par lequel tu essaies de barrer la route à un collègue. Traduisons ces demandes en disant : enlève dès sa racine en toi ce sentiment qui pourrit ta vie spirituelle et humaine.
L’enjeu de tout cela c’est notre fidélité aux valeurs du Royaume, notre volonté de vivre ce Royaume dès ici-bas. Nous avons des choix à faire.
C’est loin d’être simple.

Cela demande deux choses : d’abord de connaître clairement le fond de nos motivations. Nous devons faire sur nous-mêmes un travail de clarification. Il n’y a rien de mieux que le brouillard pour se tromper de route. Le malin adore nous mettre dans la confusion pour que nous prenions de mauvaises décisions. Il y a donc un travail de clarté à faire dans nos intentions, dans nos motivations, dans ce que nous disons et faisons.
La deuxième chose, c’est de prendre une décision. Je peux laisser trainer sans fin une situation illégale, immorale et mortifère pour moi ou pour d’autres. Je peux me complaire dans des critiques ou dans des attitudes négatives vis-à-vis de l’Eglise. L’invitation du Christ est claire : il faut trancher dans ces velléités et tout de suite. Toute hésitation est l’oeuvre du malin.
Le Christ vient ainsi faire éclater toutes les petites constructions que nous inventons. Loin des langues de bois, il le fait de manière très nette, presque radicale. Entendons cette volonté de nous ouvrir les yeux sur nos manières d’agir et de vivre.

Pierre de Charentenay,sj

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