Homélie du 28 novembre 2021: 1er dimanche de l’Avent

Homélie du 1er dimanche de l’Avent – Année C
L’apocalypse du quotidien
Lc 21, 25-28, 34-36

En ce dimanche, nous entrons dans cette période de l’Avent qui nous prépare à Noël. Et la préparation est plutôt rude car elle commence par un discours d’apocalypse, une sorte de vision de fin du monde où le Christ apparaît dans sa puissance et sa gloire. « Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots ».
Mais qu’est-ce qu’une apocalypse ? C’est en fait une révélation, un dévoilement, le dévoilement d’un monde nouveau. Ce n’est pas la fin du monde, c’est la fin d’un monde. Cela nous parle d’un changement et d’un changement important, où nous passons d’un monde à un autre.
C’est ce qui se passe aujourd’hui. Dans ces lignes de l’Evangile, nous pouvons lire une sorte de description de notre monde actuel où les nations, sur terre, sont affolées et désemparées.
Les différents pays du monde ont bien du mal à savoir comment s’organiser pour affronter le virus que l’on connaît. Que faire devant cette urgence sanitaire ?
En plus de cette pandémie, voilà que le réchauffement climatique menace dangereusement notre avenir. Les projections à 2050 sont plutôt pessimistes.
Et l’angoisse nous prend devant cet avenir imprévisible qui semble nous échapper.
C’est bien la fin d’un monde, un monde de l’insouciance, un monde de la légèreté, où l’on pouvait voyager n’importe où et n’importe quand, si l’on en avait les moyens. Il y avait bien des ouragans et des sécheresses, mais on pouvait encore les réparer.
Nous avons passé le temps où l’on pouvait faire ce que l’on voulait sans contrainte alors que la puissance de la technique avait supprimé toutes les barrières. Voilà maintenant qu’il faut rétablir des barrières partout.
L’apocalypse de ce dimanche, c’est la fin d’un monde, dont nous prenons conscience en ce temps de l’Avent.
Il faut donc apprendre à vivre dans ce monde nouveau de la contrainte, de la limite, de la précaution, de la sobriété, mais aussi de l’incertitude. Car c’est cela le plus problématique, c’est qu’on ne sait plus trop ce que nous pourrons faire demain. On ne peut plus faire de plan à 5 ou 10 ans. On ne sait même pas si le nouveau variant sud-africain va venir changer la donne du coronavirus.
Devant cette situation, en ce premier jour de l’Avent, Jésus nous dit : tenez-vous
sur vos gardes. Il nous le répète : soyez vigilants
Qu’est-ce que cela veut dire dans cette situation nouvelle de la fin d’un monde et
du début d’un autre monde ?
Ce n’est pas le moment de perdre la tête, de se laisser aller aux beuveries et aux
soucis de la vie, et de s’angoisser, mais c’est le moment de revenir à ce qui est
fondamental, comme le dit saint Paul aux Thessaloniciens : que le Seigneur vous
donne entre vous et à l’égard de tous les hommes un amour de plus en plus
intense. Faites de nouveaux progrès dans votre conduite pour plaire à Dieu, en
répondant à votre vocation humaine.
Il est important de tirez de tout cela les conséquences pratiques pour répondre à
la situation nouvelle.
Voilà ce qu’est l’Avent cette année : d’une part l’apocalypse du quotidien, c’està-
dire la révélation des vraies dimensions de notre vie quotidienne, avec ses
lourdeurs, ses angoisses et ses soucis nouveaux. Mais l’Avent, c’est aussi la
remise de tout cela devant Dieu pour le laisser agir et réveiller en nous le désir
que nous avons de le suivre, avec une force intérieure renouvelée, prêts à vivre
ce nouveau monde.
L’Avent, c’est le réveil de notre désir de Dieu dans cette vie quotidienne en
changement.

Pierre de Charentenay, sj

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Homélie de la Toussaint: Mgr Aveline: « Avance Au Large »

Chers amis ignatiens,

Le peuple de Dieu qui vit à Marseille a été heureux, très heureux, de vous accueillir pendant ce long week-end, et il vous remercie chaleureusement d’avoir choisi notre ville pour ce grand événement. Marseille, vous l’avez bien senti, est une ville de contrastes. Météorologiques d’abord : il pleut rarement, mais quand il pleut, ce n’est pas du crachin ! Sociologiques ensuite : vos déambulations dans certains quartiers de la ville auront suffi, je pense, à vous faire sentir qu’ici, on peut changer de pays en traversant la rue et faire le tour du monde en moins de quatrevingts heures ! Ecclésiologiques enfin : au cours des visitations pastorales que vous avez pu vivre avec des communautés chrétiennes du diocèse, vous avez sans doute perçu combien la petitesse n’est pas un obstacle à la ferveur, tant est palpable ici cette vocation à la catholicité qui rappelle à l’Église, fût-elle très minoritaire, sa mission d’espérance pour le monde entier.

Et nous voilà ce matin, après ces journées intenses, réunis ici pour vivre, à l’unisson de toute l’Église, la fête de tous les saints. La Toussaint, c’est un peu comme une forêt en automne, lorsque les arbres, les arbustes et même les petits buissons de rien du tout, se revêtent de couleurs plus vives et plus somptueuses les unes que les autres. Si vous aviez marché en été dans la même forêt, vous n’auriez rien remarqué : chacun arborait discrètement son ton de vert, passant inaperçu le long des GR de la vie. Mais la grâce de Dieu, qui garde souvent le meilleur pour la fin, est capable de révéler par une lueur d’automne la splendeur de tant d’existences que l’on avait cru ternes. Parfois, dans les forêts, ce sont les tout petits buissons qui donnent le rouge ou le jaune le plus éclatant.

Peut-être, et même sûrement, en déambulant dans les rues de la ville, en avez-vous croisé, de ces existences qui, même si personne ne s’en émeut, traversent la grande épreuve et ont déjà pris rang dans la grande foule de l’Apocalypse. Je pense à ce jeune migrant, débarqué récemment à Marseille après avoir subi l’enfer des camps de concentration libyens. Je pense à cette jeune femme, rencontrée aux Baumettes, et que j’ai eu l’immense joie de baptiser en prison, grâce au témoignage quotidien de sa co-détenue, qui lui permit de découvrir la présence du Christ entre les murs de leur cellule. Je pense à cette vieille dame africaine, visitée l’autre jour dans l’un des EHPAD les plus pauvres de la ville, et dont le sourire édenté traduisait une 2 dignité intérieure que rien ne pourrait détruire. Je pense à ces personnes que je reçois longuement, qui ont subi toute sortes d’abus, dans l’Église ou hors Église, victimes innocentes de bourreaux inhumains.

La sainteté n’est pas une fuite dans l’illusion de l’angélisme, elle est plutôt un appel à développer la bonté et la beauté de l’humain en luttant contre toute forme d’inhumanité. Devenir saint, c’est accepter d’entrer dans l’amitié du Christ, en vivant au jour le jour la fraternité avec les hommes et les femmes dont il a fait ses amis, et qui débordent largement les rangs de nos assemblées. Car tout homme, toute femme, est un frère, une sœur, pour qui le Christ est mort. Pour avancer sur ce chemin de sainteté, un travail de conversion personnelle est nécessaire, ainsi qu’un processus de transformation incessante de l’Église, semper reformanda, afin qu’elle soit plus évangélique. La voie synodale qui nous est actuellement proposée devrait nous y aider. Vous savez comme moi que nous avons, ensemble, beaucoup de chemin à faire !

Toi qui es venu à Marseille ce week-end, cherche donc la voie de ta sainteté dans la grande itinérance du peuple de Dieu ! Dose par toi-même le jaune, le rouge ou le vert que la grâce offre à ta liberté sur la gamme chromatique du buisson ardent. L’Esprit Saint ne fait pas de toi un esclave ni un pseudo anonyme de réseaux sociaux, mais un homme, une femme, libre, un enfant de Dieu unique dans la grande famille humaine. Veille sur les plus fragiles. Ne permets pas que le sacré soit perverti, lorsque ceux qui prétendent en être revêtus oublient qu’ils sont des serviteurs et deviennent des prédateurs. Prends pour boussole la bonté du Christ envers tous et son exigence de justice. N’aie pas peur si cela te vaut d’être persécuté à cause de l’Évangile. Apprends à discerner le travail de l’Esprit. Apprends à écouter. Apprends à recevoir. Alors tu deviendras capable de donner sans imposer, d’offrir sans attendre en retour, de tout accueillir pour tout épanouir. Alors tu sauras que la pauvreté de cœur, si l’on y consent humblement, est le creuset que l’Esprit préfère pour pouvoir accomplir, en toi et pour le monde, son œuvre de libération. L’évêque que je suis vous dit cela du fond du cœur, chers amis, et il se le dit à luimême, avant de partir à Lourdes tout à l’heure pour une assemblée plénière que je confie, plus que jamais, à votre prière.

Et pour aider le Seigneur à faire de nous un peuple à l’écoute de sa Parole, afin que nous accueillions en vérité le message des Béatitudes, j’ai demandé à Sœur Christine Danel, supérieure générale des Xavières, cette communauté née ici, à Marseille, il y a tout juste cent ans, de bien vouloir nous proposer maintenant quelques pistes de méditation.

+ Jean-Marc Aveline

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Méditation sur l’Evangile des Béatitudes, de Sœur Christine Danel, supérieure générale de la Xavière

Heureux, heureux, heureux … c’est la proclamation que nous entendons chaque année à la Toussaint. Tous saints ?

Comment oser parler de sainteté après la découverte de l’ampleur des crimes perpétrés au sein de l’Église ? Comment la sexualité, le pouvoir, le sacré ont-ils pu être dévoyés à ce point ? Il nous faut beaucoup d’humilité dans nos discours, et bien du courage dans nos actes pour nous réformer…

M’est revenue ces temps-ci cette phrase de Pascal. « Qui fait l’ange fait la bête… » Non, nous ne sommes pas des anges, mais bien des êtres humains ! « Homme et femme Dieu les créa ! » nous dit la Genèse. Et d’ailleurs, Dieu vit que cela était très bon ! Nous avons du chemin à faire, pour déployer cette altérité, dans tous les domaines de la vie de l’Église, y compris dans l’accès à la parole et à la gouvernance, pour la recevoir vraiment comme une richesse, un don de Dieu! Êtres humains sexués, et donc par définition incomplets, en manque, nous sommes des êtres de désir, un désir qui nous tourne vers l’autre, et vers le Tout Autre!

Ainsi, la sainteté n’est pas d’être parfait, avec l’illusion d’être « des anges » ! L’illusion de la perfection est un leurre, qui peut nous conduire à la frustration, au dépit, ou à l’hypocrisie, pour masquer nos manquements.

Être saint, n’est-ce pas plutôt être humain, bien humain, et pleinement humain comme nous y invite le prophète Michée. « On t’a fait savoir homme ce qui est bon, pratiquer la justice, aimer la miséricorde, et marcher humblement avec ton Dieu ! ».

Jésus proclame bienheureux ceux qui assument ce manque ! Bienheureux vous les pauvres, vous qui pleurez, vous les doux, vous qui avez faim et soif de la justice, vous qui cherchez la Paix…. Alors vous serez consolés, vous verrez Dieu, vous serez appelés fils (et filles) de Dieu…

Si Jésus proclame bienheureux ceux qui ne sont pas saturés de leurs biens et d’eux-mêmes, c’est sans doute que le bonheur est dans cette capacité à désirer, à se recevoir de l’autre, à se réjouir de ne pas être tout puissant ! Alors on peut vraiment se mettre à l’écoute des autres, entendre le murmure de l’Esprit à l’œuvre dans nos vies, dans la vie qui se donne !

Dans la lecture de l’Apocalypse, nous voyons la foule immense des témoins. Tournés vers le Trône de l’Agneau, ils ont traversé la grande épreuve. Ils ont accepté le chemin du serviteur, chemin pascal qui va jusqu’à la Croix, qui offre la vie, le pardon.

Dans cette foule immense des saints, il y a les saints de la porte d’â côté, ceux qui font le bien sans faire de bruit, les humbles de la terre. Ces personnes ne brillent pas, mais par leur simplicité, leur douceur, leur bonté, leur manière d’aimer et de vivre, elles sont des sources d’espérance, de consolation et de joie pour ceux qui les côtoient. Ignace nous invite à découvrir comment Dieu travaille et habite les créatures. Demandons ce regard assez pur pour discerner l’Esprit à l’œuvre dans notre monde et pour reconnaitre ces saints qui nous accompagnent et nous entrainent !

Enfin, c’est un peuple qui est saint ! Nous ne pouvons pas vivre la sainteté tout seul ! C’est ensemble, les uns avec les autres que nous sommes sauvés. Hommes femmes, jeunes, vieux, familles, consacrés, laïcs clercs… Chacun apporte sa pierre à l’édifice et constitue avec les autres le Corps du Christ ! Tous ensemble, habités par l’Esprit qui travaille en chacun, tous interdépendants, comme l’expérience du Covid nous l’a bien montré. La vision de l’Apocalypse est une belle image de l’Eglise synodale que nous sommes invités à vivre et à rêver ensemble, appelés pour témoigner de la fraternité et de l’amour possible.

Bonne fête de la Toussaint.

Christine Danel, supérieure générale de la Xavière

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