Homélie de Pentecôte


Notre église Saint Ferréol se trouve idéalement située, sur le Vieux-Port de Marseille. Des personnes de partout, chrétiens convaincus, chrétiens hésitant, personnes d’autres religions ou sans religion y entrent pour prendre un temps de pause loin de l’agitation de la rue. Nos célébrations accueillent, et nous le voyons particulièrement bien aujourd’hui, des personnes venues d’horizon très différents.
Un dimanche il y a quelques semaines, à la sortie de la messe, sur le parvis, nous les prêtres, nous saluions comme d’habitude, les fidèles qui sortaient de l’église. Et voilà un couple qui me dit : « Father, thank you for this beautiful mass. We appreciated it very much”(« Merci Père pour cette belle messe que nous avons particulièrement appréciée »). Ils en avaient les larmes aux yeux : on voyait bien qu’ils étaient remplis de l’Esprit Saint. Je leur demande alors : « Thank you. But where are you from ?” Ils me répondent: “San Diego, California”. C’étaient des Américains, touristes de passage, qui en fait ne parlaient pas un mot de français. Mais ils avaient été émus et très touchés par la célébration. Nous avons ce grand avantage dans l’église catholique romaine, que nous pouvons aller à la messe n’importe où dans le monde entier, nous sommes chez nous et pour peu que nous ayons lu les textes à l’avance, nous pouvons suivre la messe -à part l’homélie c’est vrai- sans trop de difficulté. « Ces gens ne sont-ils pas tous des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle » s’étonnent les auditeurs des apôtres dans la première lecture. Tous sont remplis d’Esprit Saint, de ce souffle, de cette langue qui vient d’un unique feu divin.
C’est cela que nous fêtons aujourd’hui : l’Esprit de Dieu qui habite en nous, de manière très personnelle et qui fait son chemin en chacun et chacune et peu importe nos connaissances ou notre ignorance des langues étrangères : l’essentiel est au-delà des mots.
J’ai été appelé cette semaine pour donner le sacrement des malades à une dame, encore assez jeune, mais qui est atteinte d’une maladie grave. Je la connaissais, mais je ne l’avais plus vu depuis la Semaine Sainte. Du coup, j’ai été choqué de la voir marcher tout doucement, en respirant difficilement. D’un côté la maladie l’avait défigurée, mais d’un autre, elle était rayonnante. Elle me confiait sa joie à travers l’épreuve, elle était pleinement consciente de la fin qui approchait mais, on le voyait bien, « elle vivait de l’Esprit et non de la chair », comme le dit Saint Paul dans la deuxième lecture. Elle est joyeuse de pouvoir aider et consoler les nombreuses personnes qui viennent la visiter. Elle est l’exemple même du message de Dieu pour la Pentecôte : l’extérieur est défiguré, soit, mais regardons l’intérieur, c’est cela qui compte.
Si on vous offre un flacon, un vase rempli de parfum précieux ou une bouteille de vin d’un grand cru, ne soyez pas superficiel et mondain, ne regardez pas que le contenant, le vase, le flacon, la bouteille, mais ouvrez-le plutôt, pour accéder au coeur, à l’essentiel, à ce qu’il y a de divin, à l’Esprit Saint qui habite au fond de chaque personne.
AMEN.

Vincent Klein, sj
Saint-Ferréol, le 5 juin 22

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Homélie du 29 mai 2022

Que tous soient un
Jn 17, 20-26

Dans ce discours avant la passion, le Christ nous parle de la mission des disciples dans le monde avec la grande interrogation de l’unité entre les chrétiens. S’ils sont unis, ils peuvent participer à la glorification de Dieu, celle du Père et celle de Jésus. Tous ces textes tournent autour de cette injonction : que tous soient un. Une réalité spirituelle à construire. Voilà la mission.
On utilise ce texte dans les rencontres oecuméniques. Le caractère d’invitation, d’appel de ces phrases montre que cette unité, capitale pour la mission, est toujours à parfaire.
A partir de là, il faut faire une réflexion sur l’unité et la division dans la foi. Il faut s’interroger sur les lieux et les sources de la division. On pourrait parler des divisions avec les orthodoxes depuis le XI° siècle ou celles qui existent avec les protestants depuis le XVI° siècle.
Je préfère parler des divisions qui existent aujourd’hui. C’est plus sensible, mais plus proche de nous. Je ne m’intéresse pas ici aux différences superficielles de la forme ou de la couleur des costumes des uns ou des autres.
Je pars de l’exhortation du pape François, Traditionis custodes parue en juillet 2021 sur le rite extraordinaire en latin. Benoit XVI avait fixé un modus vivendi assez souple en 2007, avec une ouverture aux messes en latin un peu partout. François est plus restrictif.
C’est que l’expérience et les remontées des évêques ont montré au pape François que derrière la liturgie, il existe en fait des communautés de refus du concile Vatican II qui se constitue. Le latin et le rite liturgique traditionnel cachent des divisions profondes des traditionalistes avec l’Eglise. Pour le pape, l’unité de l’Eglise était en jeu, pas sur la liturgie mais sur le fond, sur la théologie.
Cela vient de loin. Mgr Lefebvre exprimait sa différence par le latin mais la différence était théologique et profonde, notamment sur le statut de la vérité, sur la liberté religieuse, sur le dialogue entre les religions etc. La liturgie n’était qu’une façade.
Le pape François a donc mis de nouvelles conditions beaucoup plus restrictives pour la messe en latin. Les groupes traditionalistes sont très mécontents. Mais l’enjeu est bien celui de l’unité théologique de l’Eglise. On ne peut pas jouer à cache-cache avec Vatican II. Ce concile, universel par nature, a été le fruit de discussions longues pour obtenir l’unité. Tous les textes étaient votés à 95 ou 98 % des présents pour éviter justement les divisions.
Le texte du concile sur la liturgie a été le premier voté et le plus facilement. Cela montre bien que la division actuelle sur la liturgie est une division de façade qui cache des dérives théologiques, des radicalisations, qui suivent celles qu’on observe dans la société. C’est la relation au monde qui est en jeu, avec une recherche pour certains d’un rôle immédiat de la loi chrétienne dans le monde.
L’unité de l’Eglise est fortement abimée. Elle ne sera pas rétablie par des paroles magiques mais par des efforts de tous pour revenir à l’Evangile, à son esprit, aux paroles du Christ sur l’accueil et l’ouverture du salut à tous.

Pierre de Charentenay sj.

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Homélie du 22 mai 2022

6ème dimanche de Pâques C
Jean 14, 23-29

Comment peut-on parler de paix aujourd’hui ? Comment entendre ces mots du Christ dans les conditions actuelles ? Que veut dire « pas à la manière du monde » ?
Tout être humain, chacun d’entre nous, est affronté un jour ou l’autre à des angoisses, des inquiétudes, devant la maladie, la mort, pour soi-même et pour ses proches. L’indifférence et l’insensibilité devant tout cela seraient affreuses. En fait, nous sommes angoissés et inquiets parce que nous sommes réalistes, c’est-à-dire ancrés dans la réalité de notre condition, finis et libres. Et nous savons que des bonnes paroles superficielles à ce moment ne servent à rien.
Par qui ces paroles de l’évangéliste Jean entendues aujourd’hui sont-elles dites ? Ce sont les paroles d’un homme, Jésus, qui sait qu’il va vers sa mort quand il les prononce, paroles sous la forme d’un long discours de Jésus lors du dernier repas avec ses disciples. Et elles sont situées par l’Eglise avant son départ physique, fêté à l’Ascension.
La foi chrétienne ne peut se contenter de paroles superficielles, faciles, qui n’engagent pas vraiment. On a souvent reproché à la foi chrétienne « d’endormir » les hommes ; on a même parlé de « religion comme opium du peuple ». La foi chrétienne se confronte en fait aux questions vitales et essentielles. Les paroles de paix prononcées par Jésus avant sa mort montrent la véritable nature de Dieu : Dieu est avec l’homme jusque dans la souffrance ; ces paroles de paix nous rejoignent dans nos exils, dans les tourbillons de nos angoisses. Il descend lui-même dans ces abysses.
Et Jésus ajoute : « vous devriez être dans la joie puisque je pars vers le Père ». Ce qui veut dire : la suite de la mort et de la vie du Christ nous introduit dans la beauté de ce mystère d’Amour. Le Père nous aime jusque-là.
Cet appel du Christ à la paix est à portée de nos mains. On peut même dire que vous la vivez déjà quand vous aimez en sincérité, quand vos paroles vraies accompagnent vos visites à l’hôpital, quand nos sourires croisent dans la rue l’abandonné, quand vous séchez les larmes d’un enfant aves tendresse, etc …
C’est l’Esprit qui agit en nous et que nous demandons sans cesse ; c’est l’Eglise quand nous nous réjouissons de nous soutenir mutuellement sur ce chemin d’évangile. Alors, nous devenons à la fois humains et spirituels. Nous devenons chrétiens.

Michel Joseph, sj

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