Vendredi saint- Vigile pascale 2023

Le Vendredi saint, nous ferons mémoire de cet accompagnement de Dieu en Christ, même là où nous ne pensions pas le trouver. Il est avec nous, même dans nos fragilités, dans nos peurs, dans nos blessures, dans toutes nos morts ! Il est venu emprunter le chemin de notre « humanitude » parce que rien de ce qui participe de notre existence ne lui est indifférent et ainsi, par sa présence même là, tout peut trouver un sens et devenir un chemin de vie. Par sa présence, même là, il nous atteste que notre vie n’est pas une impasse, mais que notre nuit est tendue vers la lumière de son jour. Comment ne pas annoncer cette nouvelle ? Là aussi, c’est notre manière de vivre qui témoignera de celui qui nous veut avec lui et qui, pour cela, veut être avec nous…

Le dimanche de Pâques, la pierre roulée affirmera que la vie est plus forte que la mort (que nos morts), que la Parole n’est pas murée dans le silence, que l’espérance traverse nos existences pour ouvrir tout ce qui pourrait nous enfermer, pour briser toutes nos chaînes, pour fortifier tout ce qui a besoin de l’être. Pâques fête la résurrection du Christ mais aussi, en Christ, notre propre résurrection, qui n’est pas à attendre pour demain, mais est à prendre à deux mains pour la faire rayonner dans notre monde : « Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde. Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » [Matthieu 5, 13. 14. 16] [il n’est pas dit : « Vous serez… si », mais « Vous êtes »]. La résurrection du Christ est un appel à la vie, notre vie peut être la réponse. Vivre dans la résurrection du Christ, c’est, à travers tout ce que nous sommes, faire resurgir la vie pour l’offrir à tous comme Bonne Nouvelle qui peut donner du sens à leur propre vie.


Jeudi saint 2023

Le Jeudi saint, nous invitera à découvrir notre vie comme offrande (l’eucharistie) et comme service (le lavement des pieds), à la manière même dont Jésus, Dieu fait homme, Parole faite notre chair, les vit dans son humanité. Dans la Cène, il propose de relire tout son agir, toute sa présence, tout son être, comme la présence de Dieu épousant notre humanité, comme lieux de révélation de la miséricorde, de la liberté, de la justice voulues par le Père pour chacun de ses enfants. Il fait monter l’action de grâce vers le Père, parce qu’il est venu jusque dans notre humanité à travers lui. De sorte que cela ne soit pas que mots et idéaux, il pose un geste, le lavement des pieds, en confiant à chacun de le poursuivre : « C’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi » [Jean 13, 15]. C’est dans notre manière de nous tenir avec lui dans le service que les hommes pourront le découvrir proche.

Pâques, un effondrement: témoignage du P. Vincent Klein sj

Marseille, quartier de la Joliette. En début de semaine dernière, un règlement de compte a fait trois victimes à deux cents mètres à peine de la maison de notre communauté jésuite. Trois jeunes adolescents ont été atteints par des balles : un est décédé, les deux autres sont dans un état grave.

Un règlement de compte sur base de trafic de stupéfiants comme il y a tant à Marseille comme dans bien d’autres grandes villes : circulez, il n’y a rien à voir ! Et en effet, le crime n’avait apparemment pas laissé dans la rue de traces visibles, car dès le lendemain, la vie continuait comme si de rien n’était. En fait, beaucoup d’habitants du quartier, outre ceux qui vivent dans la rue où s’est produit le drame, ne se seront aperçus de rien s’ils n’ont pas écouté le cri d’indignation de notre archevêque lors de la messe chrismale ou s’ils n’ont pas lu les longs articles que des grands quotidiens nationaux ont consacré à cet événement.

Nous entrions en Semaine Sainte. Comment alors ne pas reconnaitre avec tristesse et colère le Christ souffrant et crucifié dans ces jeunes dont l’élan de vie a été ainsi brisé ? A Marseille, il y a tant d’adolescents qui vivent dans des quartiers où le trafic de stupéfiants marque de son empreinte infernale la vie quotidienne. Faut-il pour autant s’y résoudre ?

Nuit de PâquesLes chants joyeux et les visages radieux des fidèles sur le parvis de l’église donnant sur le Vieux-Port résonnaient encore en moi. Il était minuit passé et nous prenions en verre en communauté avec nos hôtes en trinquant : « Le Christ est ressuscité ! », « Il est vraiment ressuscité ! ». Un bruit d’explosion a piqué la curiosité de certains qui sont allés voir sur la terrasse d’où pouvait provenir la détonation. Aucun autre bruit distinct n’avait suivi. Nous avons vidé nos verres avant d’aller nous coucher.

Dimanche matin, retour sur la terrasse. On apercevait clairement un panache de fumée en direction du sud-est. Entre-temps, les médias avaient annoncé l’effondrement d’un immeuble dans le quartier branché de la Plaine. Un deuxième immeuble avait suivi peu après. Il y avait sûrement des victimes, sans doute une dizaine, mais les secours étaient empêchés d’intervenir, car l’incendie n’était toujours pas éteint.

J’ai alors ressenti en moi aussi comme un effondrement, intérieur celui-là, un peu comme le décès brutal d’un convive mettrait un terme à un banquet de mariage. La fête de Pâques à peine commencée était déjà finie : on remballe tout ! Le cœur est lourd, l’atmosphère est plombée. Retour à la Passion ! J’avais envie de baisser les bras tant le découragement m’habitait.

En méditant les Évangiles de la Résurrection, je me suis alors demandé comment s’étaient senties les femmes quand elles sont allées au tombeau ? Sans doute avaient-elles le cœur grave. Elles sont venues embaumer un mort et se sont demandé qui leur roulera la lourde pierre. Dans le 5è arrondissement de Marseille, des secouristes, courageusement, inlassablement, cherchent aussi à « rouler la pierre du tombeau », à dégager des morceaux de murs à la recherche de morts ou qui sait, de survivants. Des linges apparaissent dans les décombres et ont pu orienter les secours vers des corps. Il y a deux mille ans, à plusieurs milliers de kilomètres au sud-est, des femmes regardaient les linges qui avaient enveloppé le corps mort de Jésus et étaient restés là dans le tombeau vide. Et puis elles entendirent cette parole de l’ange : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? ». Et leur douleur laissa place à la rencontre du Ressuscité. Des ruines du 17, rue Tivoli, plusieurs corps ont déjà été extraits. Malheureusement les victimes sont décédées. Le soir du dimanche de Pâques, avide d’une hypothétique bonne nouvelle qui aurait donné un sens pascal à ce drame, j’ai cherché à écouter une radio locale pour avoir plus de détails sur la recherche de victimes. Mais je suis tombé sur le commentaire en live du match entre l’OM et Lorient, ce qui m’a mis véritablement en colère.

Cependant, à y réfléchir avec un peu de recul, n’est-il pas légitime que la vie reprenne le dessus, inlassablement, avec ses soucis quotidiens et ses distractions aussi ? Pour les familles des victimes viendra le temps du deuil et pour tous ceux qui ont été affectés, l’appel à la foi nue, quand la colère aura tari les larmesAlors l’espérance brute défiera l’absurde, comme pour Marie au pied de la Croix, recevant dans ses bras le corps sans vie de son Fils, désormais vivant dans l’engagement de tant d’hommes et de femmes pour que la vie soit la plus forte et que jamais, la mort n’ait le dernier mot.

P. Vincent Klein sj,

La photo est du P. Vincent Klein sj
Ile de Pomègues à Marseille : un bunker fissuré évoque le tombeau vide et sinistre. Une femme veille, attend et espère en regardant au loin la mer

A découvrir