Homélie du 4 décembre

Le temps du désir de Dieu
Mat 3, 1-12 et Isaïe 11, 1-10

« Engeance de vipères ». Jean-Baptiste se fait très menaçant. Il apostrophe les sadducéens et les pharisiens avec des termes particulièrement virulents : « engeance de vipères ». Il se bat contre ceux qui ne veulent pas se convertir. Et plus loin, il dit aussi : « tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu ». On voit bien qu’il essaye d’inciter à la conversion, en faisant peur, en bousculant ses interlocuteurs.
Parfois, cette stratégie est utile. C’est une méthode qui peut marcher. En ayant peur, on commence à réfléchir. Mais pour nous aujourd’hui le stratagème apparaît quelque peu excessif. Nous n’avons pas besoin d’être encore bousculés. Nous sommes en effet déjà largement assommés par de mauvaises nouvelles de toutes sortes, et on n’a pas besoin de se faire sermonner une fois de plus : dans l’Eglise, nous apprenons chaque semaine avec effarement de nouvelles révélations qui touchent des évêques ou des prêtres. Dans le monde, nous assistons impuissant à la destruction de l’Ukraine et du peuple ukrainien. Et chez nous, nous voyons les difficultés sociales s’accumuler, avec de multiples personnes qui dorment sur les trottoirs, parfois à côté de nous, à Marseille. Les chrétiens, comme tout le monde, sont fatigués de toutes ces mauvaises nouvelles ; ils deviennent sourds au langage de la menace. Ce n’est pas ainsi qu’ils vont se tourner vers la foi et vers l’action. Ils se sentent plutôt écrasés.
Une autre pédagogie doit être employée, c’est celle de la promesse et du désir du Seigneur, tel que le livre d’Isaïe le montre. Nous avons aujourd’hui besoin d’être encouragés. Nous avons besoin de savoir que la route que nous prenons nous mène à des situations nouvelles, pleine de paix et d’espoir. Isaïe nous le dit, avançons vers le respect des plus petits. Travaillons en faveur des humbles qui nous entourent. Avançons vers la réconciliation entre ennemis, avec ces images magnifiques : « le loup habitera avec l’agneau ; le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble »
Pour cela, la figure de celui qui va naître dans la crèche est comme une lumière qui peut attirer notre attention : ce rejeton, fils de David, aura un esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force : voilà tout ce dont nous avons besoin. Ce n’est pas le moment de nous laisser écraser par tous ces événements, ou d’être comme les trois singes japonais : l’un met les mains de devant la bouche pour ne pas parler, l’autre les met sur les oreilles pour ne pas entendre, le troisième les met sur les yeux pour ne pas voir. Cette attitude ne reflète pas le désir d’être présent au monde. Ce n’est pas le moment non plus de jouer les autruches qui mettent la tête dans le sable.
C’est au contraire le moment de regarder devant nous et de nous préparer à affronter ce présent que nous traversons. Nous avons besoin de cet esprit de discernement qui ne se laisse pas impressionner par les circonstances extérieures mais qui pèse le pour et le contre dans l’écoute de ce que Dieu nous indique. L’exercice du discernement nous rend acteur de notre vie et acteur dans ce monde.
Nous avons ainsi besoin de cultiver notre désir de Dieu dans cette période de l’Avent, désir de paix, désir de bien, désir de beau. En faisant grandir ce désir en nous, nous trouverons les énergies qui nous manquent pour affronter le monde d’aujourd’hui afin d’y mettre un peu de la joie et de la force de Noël.

Pierre de Charentenay, sj
St-Ferréol, le 4 décembre 22

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