Méditation sur l’Evangile des Béatitudes, de Sœur Christine Danel, supérieure générale de la Xavière

Heureux, heureux, heureux … c’est la proclamation que nous entendons chaque année à la Toussaint. Tous saints ?

Comment oser parler de sainteté après la découverte de l’ampleur des crimes perpétrés au sein de l’Église ? Comment la sexualité, le pouvoir, le sacré ont-ils pu être dévoyés à ce point ? Il nous faut beaucoup d’humilité dans nos discours, et bien du courage dans nos actes pour nous réformer…

M’est revenue ces temps-ci cette phrase de Pascal. « Qui fait l’ange fait la bête… » Non, nous ne sommes pas des anges, mais bien des êtres humains ! « Homme et femme Dieu les créa ! » nous dit la Genèse. Et d’ailleurs, Dieu vit que cela était très bon ! Nous avons du chemin à faire, pour déployer cette altérité, dans tous les domaines de la vie de l’Église, y compris dans l’accès à la parole et à la gouvernance, pour la recevoir vraiment comme une richesse, un don de Dieu! Êtres humains sexués, et donc par définition incomplets, en manque, nous sommes des êtres de désir, un désir qui nous tourne vers l’autre, et vers le Tout Autre!

Ainsi, la sainteté n’est pas d’être parfait, avec l’illusion d’être « des anges » ! L’illusion de la perfection est un leurre, qui peut nous conduire à la frustration, au dépit, ou à l’hypocrisie, pour masquer nos manquements.

Être saint, n’est-ce pas plutôt être humain, bien humain, et pleinement humain comme nous y invite le prophète Michée. « On t’a fait savoir homme ce qui est bon, pratiquer la justice, aimer la miséricorde, et marcher humblement avec ton Dieu ! ».

Jésus proclame bienheureux ceux qui assument ce manque ! Bienheureux vous les pauvres, vous qui pleurez, vous les doux, vous qui avez faim et soif de la justice, vous qui cherchez la Paix…. Alors vous serez consolés, vous verrez Dieu, vous serez appelés fils (et filles) de Dieu…

Si Jésus proclame bienheureux ceux qui ne sont pas saturés de leurs biens et d’eux-mêmes, c’est sans doute que le bonheur est dans cette capacité à désirer, à se recevoir de l’autre, à se réjouir de ne pas être tout puissant ! Alors on peut vraiment se mettre à l’écoute des autres, entendre le murmure de l’Esprit à l’œuvre dans nos vies, dans la vie qui se donne !

Dans la lecture de l’Apocalypse, nous voyons la foule immense des témoins. Tournés vers le Trône de l’Agneau, ils ont traversé la grande épreuve. Ils ont accepté le chemin du serviteur, chemin pascal qui va jusqu’à la Croix, qui offre la vie, le pardon.

Dans cette foule immense des saints, il y a les saints de la porte d’â côté, ceux qui font le bien sans faire de bruit, les humbles de la terre. Ces personnes ne brillent pas, mais par leur simplicité, leur douceur, leur bonté, leur manière d’aimer et de vivre, elles sont des sources d’espérance, de consolation et de joie pour ceux qui les côtoient. Ignace nous invite à découvrir comment Dieu travaille et habite les créatures. Demandons ce regard assez pur pour discerner l’Esprit à l’œuvre dans notre monde et pour reconnaitre ces saints qui nous accompagnent et nous entrainent !

Enfin, c’est un peuple qui est saint ! Nous ne pouvons pas vivre la sainteté tout seul ! C’est ensemble, les uns avec les autres que nous sommes sauvés. Hommes femmes, jeunes, vieux, familles, consacrés, laïcs clercs… Chacun apporte sa pierre à l’édifice et constitue avec les autres le Corps du Christ ! Tous ensemble, habités par l’Esprit qui travaille en chacun, tous interdépendants, comme l’expérience du Covid nous l’a bien montré. La vision de l’Apocalypse est une belle image de l’Eglise synodale que nous sommes invités à vivre et à rêver ensemble, appelés pour témoigner de la fraternité et de l’amour possible.

Bonne fête de la Toussaint.

Christine Danel, supérieure générale de la Xavière

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