3ème dimanche de carême – Année B – Jean 2, 13-25
Le pape pour la paix en Irak
« Jésus savait ce qu’il y a dans l’homme », nous dit l’Evangile. Ces récits sont une leçon sur l’homme, ce qu’il est capable de faire, sur la perversion de son langage et les mensonges qu’il se fait à lui-même. Jésus nous explique la condition humaine, avec des gestes et des mots forts, et une colère dont on ne sait pas si elle est simulée ou non.
Si un récit comme celui-là nous est proposé pendant le carême, ce n’est pas par hasard. Le carême est un temps de sainte colère contre les perversions du langage et de l’action, contre les mensonges et contre les confusions entretenues par ceux qui ne veulent pas voir la nouveauté du salut par le Christ.
Dans notre évangile, la colère de Jésus est motivée par sa découverte des vendeurs dans le temple. Il souligne combien c’est inacceptable. Il y a détournement des objectifs du Temple si son activité tourne autour de l’argent. On détourne le sens du temple qui est de prier.
Jésus ne veut pas laisser passer ça. Ce n’est pas une question d’émotion. Jésus ne se laisse pas aller. Il veut manifester son opposition radicale à cette situation. C’est plus de l’indignation que de la colère.
Dans cet évangile, ce sont deux mondes qui s’affrontent, l’ancien monde de la loi juive et de la construction du temple, le nouveau monde de la loi du Christ et de sa résurrection en trois jours. On comprend que certains aient du mal à s’ouvrir à cette nouveauté.
Deux mondes qui s’affrontent, et des changements à opérer, cela fait réfléchir à d’autres situations de nouveauté radicale aujourd’hui.
Je voudrais appliquer cela au voyage du pape en Irak, où c’est la voie du dialogue qui remplace la voie de l’affrontement, un monde qui remplace un autre monde.
Voilà un voyage que l’on n’aurait jamais imaginé, pas seulement parce qu’il y avait un problème de sécurité en Irak mais aussi parce qu’on se demande pourquoi il va aussi loin du petit cocon catholique pour aller à l’extrême des périphéries, au cœur même de la religion musulmane chiite pour rencontrer le grand Ayatollah Ali Al Sistani.
Derrière tout cela, le pape François veut travailler pour la paix, établir des ponts comme il dit, plutôt que des murs. C’est ce qu’il a déjà fait en allant à Abu Dhabi pour rencontrer le grand Iman de la Mosquée d’al Azhar du Caire, Ahmed el Tayyeb. Il a publié avec lui une magnifique déclaration sur la fraternité. C’est que le pape François veut faire de son pontificat une occasion de créer des liens avec l’islam et ses représentants.
Il y a deux dimensions à ces rencontres : d’abord la paix. Elle ne se fait pas seulement par la diplomatie des grandes puissances, elle se construit aussi par les sentiments des peuples les uns envers les autres. L’amitié franco-allemande n’est pas le fruit d’un décret ou de lois, mais celui de multiples rencontres de gens qui croyaient à la paix et voulaient la construire. Il est temps de participer à la construction de la paix, entre les nations chrétiennes et les nations musulmanes.
L’autre dimension de ces rencontres, c’est le dialogue interreligieux. Il est temps de se parler, de se connaître, de prier ensemble comme au temps de la réunion d’Assise avec Jean-Paul II. Grâce au pas décisif du concile Vatican II qui invite à porter un regard d’estime sur les musulmans, l’Eglise est entrée dans un processus de rencontre de l’islam qui est absolument fondamental. Les fruits sont visibles dès maintenant. Dans le document sur la fraternité, le pape et le grand iman du Caire s’engagent vers « la culture du dialogue comme chemin, la collaboration commune comme conduite et la connaissance réciproque comme méthode ».
C’est ainsi que le dialogue entre les chrétiens et les musulmans est un service essentiel pour toute l’humanité.
Prions donc aujourd’hui pour le pape et pour son voyage en Irak.
Pierre de Charentenay, sj
St-Ferréol, 7 mars 202