Le Christ qui redonne la vue
Mc 10, 46-52
Dans les évangiles, il faut regarder de près les indications géographiques ou physiques qui sont données : au début de cet évangile, l’aveugle est assis au bord du chemin. Il attend, il ne fait rien, il ne bouge pas. Il est marginalisé, inexistant dans le monde. Il est une sorte d’objet posé là, qui n’a de relations avec personne.
A la fin, il suit Jésus, il marche, il se déplace, il est en mouvement. Il est devenu un sujet qui parle, qui crie et qui marche.
Voilà le vrai miracle : un homme marginalisé, immobile devient un homme debout, capable de suivre le Christ et d’engager une route personnelle.
On a donc une transformation fondamentale en quelques instants.
Que s’est-il passé ?
Il a reconnu Jésus, Fils de David. Il savait très bien à qui il avait à faire, puisqu’il l’appelle par son nom, Fils de David.
Au moment où Jésus l’appelle, il bondit, il jette son manteau : il rejette le vieil homme, il renonce à une partie de lui-même, il change du tout au tout.
Contrairement au jeune homme riche qui s’en va tout triste, il prend une décision, abandonne sa vielle vie et commence à suivre le Christ.
Voilà une rencontre qui change tout. Pourquoi ne la ferions-nous pas nous-mêmes ? Nous ne sortons pas de Jéricho, nous sommes à Marseille.
Mais ici même nous avons des occasions de faire cette rencontre.
Chaque dimanche est un peu notre route de Jéricho.
Mais attention, c’est la personne de Jésus qui est la clé, ce n’est pas le prêtre, l’évêque ou n’importe quelle autorité de l’Eglise.
Si la foule joue un rôle, elle appelle l’aveugle, elle lui dit d’avoir confiance et de se lever. Elle n’est qu’une intermédiaire qui s’efface et que l’on ne connaît même pas, puisqu’elle est désignée par « on », « on appelle l’aveugle ».
C’est le Christ qui change l’aveugle et lui seul. C’est le Christ qui nous change.
Il faut revenir au Christ. C’est lui qui nous redonne la vue, pas les institutions ou les structures de l’Eglise. Le pape François nous l’a rappelé dans sa Lettre au peuple de Dieu où il discutait de la questions des abus sexuels dans l’Eglise. Je le cite : nous avons eu trop souvent « une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Eglise comme l’est le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs ». De là, quantité de déviations autoritaires qui n’ont plus rien à voir avec l’Evangile.
Alors, revenons au Christ : demandons lui de retrouver la vue, nous qui sommes si souvent aveugles sur nous même, sur nos manières de vivre en Eglise, sur la gouvernance de cette Eglise, sur la figure du prêtre. Demandons lui de nous ouvrir l’esprit sur les initiatives du Pape François autour de ce qu’il appelle l’Eglise synodale. Il souhaite revenir au concile Vatican II qui parle d’une Eglise, peuple de Dieu, qui possède un sens de la foi fort et vivant. Cette force de la foi est présente chez tous les baptisés. Le pape voudrait qu’elle soit désormais le vraie moteur de l’Eglise.
Cet Evangile nous remet devant la relation unique d’un homme Bartimée avec Jésus. Et c’est cette relation qui le sauve. Ouvrons-nous à ce salut en écoutant le Christ qui nous parle.
Pierre de Charentenay, sj