HOMELIE du 25ème dim. du T.O. – Mt 9, 30-37 – Prendre la dernière place
Ce passage que nous venons d’entendre arrive juste après celui de la Transfiguration de Jésus. C’est une manière directe , si l’on peut dire, de la part de Jésus à inviter Pierre, Jacques et Jean à descendre de la montagne et à prendre conscience des conditions et des contraintes de la mission. Jésus profite pour leur annoncer une deuxième fois sa passion, sa mort et sa résurrection. Ces trois « privilégiés » ont eu l’opportunité de le voir dans sa gloire mais là, « ils ne comprirent pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger » (Mc 9, 32).
Comment allaient-ils pouvoir le comprendre quand Jésus leur dit aussi, « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » ! Ils ne sont pas dans cette perspective en suivant Jésus. Ils pensaient obtenir les meilleures places possibles. Ils se demandaient qui deviendrait le chef de leur groupe quand Jésus ne sera plus là, puisqu’il avait annoncé à deux reprises qu’il allait se séparer d’eux. Leur « préoccupation mondaine » les empêche d’adhérer à la manière dont Jésus veut les aider à comprendre par quel chemin il légitime son autorité.
Nous nous souviendrons que c’est à travers l’épisode du lavement des pieds qu’il nous exprimera aussi son sens de de leadership. Jésus parle d’abaissement et eux aspirent à monter en grade et dans la hiérarchie. N’est-ce pas que la logique humaine est bien de vouloir faire l’ascension sociale et gravir l’échelle sociale le plus haut possible… ?
Pas d’équivoque de la part de Jésus à ce niveau ; comprenne qui pourra ! « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Mc 9, 35). Tel est l’esprit et la logique de la mission à laquelle ils sont appelés.
Comment situons-nous aujourd’hui en rapport avec ce passage de l’évangile qui vient particulièrement nous donner un nouveau souffle en ce début de notre année pastorale au service de notre sanctuaire ?
Avant tout, nous pouvons rendre grâce au Seigneur pour tous les petits et grands efforts que nous faisons pour pouvoir vivre le plus possible l’esprit de service au coeur de nos différentes responsabilités, missions et engagements dans la vie ecclésiale, sociale et associative. Soyez-en déjà remerciés.
En même temps, quand nous tous, nous regardons de près certaines de nos attitudes et certains de nos comportements, aurions-nous le droit d’accabler Pierre, Jacques et Jean et les autres ? Pour ceux qui ne le savent pas, à la Toussaint, nous allons célébrer le jubilé de la conversion d’Ignace de Loyola grâce à un boulet de canon qui a été déterminant dans le changement radical de sa vie. Il y en a eu d’autres – au sens figuré – qui lui ont permis de comprendre que « la fécondité de son existence ne dépend pas de la seule force des poignets ».
Et nous ? Il est possible que nous soyons des « boulets » pour les autres de par notre manière d’agir et de nous comporter. La tentation est grande parce que nous pouvons en pas être insensibles au pouvoir, aux honneurs et à la première place ou à vouloir prendre toute la place. Du coup, nous ne permettons pas à l’autre de vivre pleinement son engagement baptismal et son désir de servir.
Ce que l’apôtre Jacques mettait en relief dans sa lettre à sa communauté chrétienne reste
d’actualité, surtout quand il pointe les ravages « des jalousies et des rivalités ».
Les disciples du Christ sont appelés à vivre selon une autre logique qui débouche sur la paix, la tolérance, l’humilité et la bienveillance.
Que découvrons-nous dans tout cela ? Eh bien, c’est que le service se révèle comme une
nouvelle expression de « prendre le pouvoir » et de pratiquer l’autorité, celle qui fait croître, qui fait grandir l’autre mais non pas pour l’écraser. Jésus nous donne plusieurs exemples dans sa manière d’exercer l’autorité…
Que pouvons-nous encore retenir de cette page d’évangile ? Là où l’on rêvait d’être le premier ou parmi les premiers, Jésus accueille un enfant au milieu de ses disciples ! Son audace qui se veut lourde de sens fait vivre un déplacement du côté de ses disciples quand l’on sait que l’enfant était marginalisé et n’avait pas sa place dans le monde des adultes avant ses treize ans.
A travers ces différentes touches, Jésus les provoque et les amène à prendre un chemin de
conversion pour découvrir que c’est à travers les petits et les faibles qu’il les attend. C’est à
travers eux qu’ils accueillent Dieu e qu’il peuvent comprendre ce qu’est la vraie grandeur.
On ne se trompera jamais à ce niveau quand on veut, de manière éclairée, assurer un service envers les plus petits et faibles de la société. J’aime bien rappeler l’esprit de service qui nous anime le dimanche matin au petit déjeuner sur le parvis de l’église : pas seulement servir mais aussi prendre un petit moment pour vivre un temps de fraternité avec celui que l’on sert.
« Celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
On rapporte de Saint François Xavier cette belle pensée : « Sur le pas de Jésus Christ, on ne monte qu’en descendant. L’échelle de la sainteté ne se monte pas, elle se descend ».
Chers frères et soeurs, dimanche dernier, à la question de Jésus à ses apôtres, « et vous, que dites-vous que je suis ? », Pierre lui a dit, « Tu es le Messie ».
Et nous aujourd’hui, nous pourrons lui dire, « Tu es Doux et Humble de coeur, tu es le Serviteur des serviteurs ».
Puissions-nous lui demander la grâce d’être configurés, d’être formatés à sa manière d’aimer et de servir jour après jour. Avançons ensemble pas à pas. Amen.
Steves Babooram, sj