Homélie du 10 octobre 2021


En ce jour après la semaine que nous venons de traverser, je vous propose une méditation sur le silence en trois étapes :
L’avez-vous remarqué ? Le silence… le silence du jeune homme qui s’en va tout triste… il ne répond rien, ne rajoute rien, il s’en va s’en protéger ou contre argumenter. Il ne se justifie pas, le silence.

Ce silence en dit long et ce silence cherche à nous dire autre chose …
Qu’il y a un moment où le silence est triste car on ne sait quoi faire de soi, un silence de respect parce que l’on réfléchit, un silence de sidération car la mort rôde et nous entraîne, un silence d’incertitude car on ne sait pas comment réagir. Le silence des victimes, silence lourd et pesant rendu muet par les actes posés.
Le jeune homme riche est plein de promesse, de ce jeune homme l’évangile ne parle plus, nous n’en connaissons même pas le nom. Un des rares personnages de l’évangile dont le texte nous dit que Jésus l’aima. Son regard posé sur lui est un regard de tendresse mais le pas qui lui reste à faire semble trop grand, trop dur, impossible à réaliser.
Il était une fois une église, forte et riche de son histoire, de ses traditions et de son organisation.

Une église sainte par définition, une église, vivante ou immobile selon l’époque ; un jour en retard, un autre jour, lieu source et lieu de prière. Cette église pourrait s’en tenir à cela : un passé, une pensée et un savoir-faire. Tout comme le jeune homme.
Faites d’hommes et de femmes, elle en subit au fil du temps les affres que nous connaissons. Cette semaine avec franchise, elle a dû regarder en face des crimes dont ses membres sont et ont été coupables, protégés, défendus, et cachés. Les attitudes les plus inadmissibles ont été dévoilés : l’évangile ne dit-il pas : ce qui était caché est apparu au grand jour, ce qui était dit à voix basse a été proclamé sur les toits. Nous y sommes, Le travail de vérité a gagné une lourde bataille. Je suis la vérité dit le Christ à Thomas en St Jean, première étape de notre parcours : la vérité.
Il y aurait bien des arguments à faire valoir en contrepartie pour l’église mais aucun, à aucune époque ne peux tenir devant le visage d’un enfant, d’un innocent, de celle ou de celui qui cherche Dieu.
Si un vendredi saint par hasard nous ne savions comment le Christ est mort alors méditons ensemble ou plutôt chacun pour soi de ce qui a été dit de l’église ici dans notre diocèse, dans notre pays et dans le monde. C’est ainsi que le Christ meurt.
Lire les témoignages de ses hommes et de ses femmes vingt, trente, quarante ans après les faits doivent pour nous paroissiens être une obligation morale, comme le Christ s’arrête au bord de la route et rencontre ici un aveugle, là une femme sur le point d’être lynché. Il s’arrête et il parle, il écoute, comment pourrions-nous faire autrement et différemment ? Le jeune homme, pourrions-nous demander voulait-il vraiment la vie éternelle ? Notre église que veut-elle? La vie éternelle ?
L’humilité des hommes d’église doit passer par la lecture de ces récits, entrer enfin dans une écoute. Ne nous pressons pas de réformer, de changer les règles extérieures pour montrer à la sphère médiatique qu’il y a quelque chose de fait. Pressons-nous plutôt de lire les hommes et les femmes qui ont dû être amené à raconter une partie cachée de leur existence.
Ce qu’il nous faut changer et convertir, c’est notre regard et notre coeur. Ce qui est impossible aux hommes de donner, cela est possible à Dieu, aux victimes le chemin de la vie en Dieu est toujours possible. Je suis le chemin, deuxième étape.
Ipso facto ces hommes n’appartiennent plus au Christ, ils ont pris la part du diable, la confusion des esprits, ils ont menti à leur coeur en plus d’avoir menti à leur proche. Ils se sont mentis à eux-mêmes.
Qu’avons-nous à vendre si ce n’est notre superbe, notre fierté, nos réussites miteuses ? Oui à nous de descendre sur terre parmi les vivants, à nous de laisser de côté la richesse des mots pour les larmes de la honte et de la contrition.

Le silence est aujourd’hui la voix de notre conversion.
Vendons, séparons-nous, c’est ce que cela veut dire, ce qui nous entrave pour aller au Christ.
Allons-nous être capable de laisser de côté trônes et sceptres, richesses et pouvoir, pour avancer d’un pas vers la vie ? Je laisse la question sans réponse. Chacun d’entre nous doit se coller à la réponse. Celui qui essaye d’y répondre C’est en regardant le Christ qu’il verra la lumière, en écoutant l’esprit de sainteté qu’il entendra la voix de la vie, et c’est face à Dieu en se tenant debout qu’il parlera et qu’il pourra s’engager de tout son être avec tout ce qu’il est : ombres et lumières.
La vie je suis la vie dit jésus en St Jean. Troisième étape
Je suis la vérité, la vie, le chemin, dans le silence de notre coeur qu’est-ce que cela peut devenir ?
Forgé de tant d’hommes et de femmes traversés par l’épreuve du baptême, cette ancienne église pourra renaître de la croix, elle pourra construire et participer à la vie que les hommes et les femmes cherchent avec tant de maladresse.
Notre espérance passe par La Croix …mais vit de la résurrection, notre espérance passe par la vie donnée et la recherche de la vérité. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons répondre au « Viens, suis moi de Jésus-Christ ».
Amen

Vincent Bocher, sj
Saint-Ferréol, Marseille

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