Tes larmes de sel reflètent les visages
De ta mère et tes sœurs demeurées au village
Gravées en toi ces boussoles indélébiles
Comme des petits piaillant le bec vers le ciel
T’appellent et t’envoient tenter au loin la chance.
Tes larmes de sel quand elles vivaient encore
Disaient le secret mais déraisonnable espoir
D’atteindre un jour un rivage hospitalier
Où tu serais traité autrement qu’en esclave
Alors qu’autour de toi à perte de vue s’étend
Le cimetière marin des illusions déçues.
Tes larmes de sel retracent le chemin
Des caravanes enchaînées à travers le désert
En guise d’oraison un peu d’eau, un peu de pain
Et sur une frêle coque au moteur exténué
La folie d’un passage maintes fois tenté.
Tes larmes de sel ont fait monter la mer
Les vagues les déversent en faisant retentir
Le roulis alarmant de mille crécelles polies
Autant de galets bruts livrés aux estivants
Qui étendent sur ces braises leurs corps incandescents.
Tes larmes de sel en toi figent l’humanité
Arrivé harassé, arrimé, tu te dois
D’apprendre la langue, te former, travailler,
Répondre aux injonctions ou alors résister
À la main tendue qui pourrait bien te frapper.
P.Vincent Klein sj