Homélie du 16ème Dimanche année B

… en guise de relecture de l’occupation de l’église Saint Ferréol sur le Vieux-Port à Marseille, du samedi 13 juillet au vendredi 19 juillet 2024..

(Mc 6, 30-34). 

Pour nous qui ne sommes pas encore en vacances, les semaines vsemblent s’allonger, la fatigue se fait sentir et nous attendons que prenne effet cette parole réconfortante que Jésus adresse aux apôtres de retour de mission : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu ». 

Mais, il y a juste une semaine, un peu avant la messe du samedi, une cinquantaine de jeunes migrants se sont installés dans notre église pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur le fait qu’ils se retrouvent, mineurs ou tout juste majeurs, à la rue. La plupart d’entre eux va à l’école, est en apprentissage ou travaille au noir. Après avoir traversé le désert, après avoir connu la faim et la soif, après avoir été exploités et torturés pour certains, après avoir risqué leur vie en embarquant dans un bateau de fortune, alors qu’ils ont vu tant de leurs compagnons périr en mer, dans le désert ou sous les coups, ils ont échoué sur nos côtes. Ils espèrent enfin pouvoir construire chez nous leur vie et s’intégrer dans notre société par le biais de l’école et du travail. Mais les voilà ballotés d’un abri à l’autre, vivant dans des squats ou à la rue. Ils sont cependant épaulés par de jeunes bénévoles engagés à leurs côtés, parfois jour et nuit. Alors que bien de leurs amis passent un temps de vacances paisible et reposant, ces étudiants ont choisi de se faire les prochains de ces jeunes rejetés.  

En voyant tous ces jeunes exilés assis sur les chaises de l’église samedi dernier, j’ai ressenti une immense fatigue : nous avions déjà vécu une situation similaire en Octobre dernier, peu après la venue du Pape à Marseille : elle nous a demandé beaucoup d’énergie .Mais là!

En plus c’est l’été : nous sommes en effectifs réduits, les prêtres comme les laïcs engagés. La perspective pour moi de devoir être présent dans l’église non seulement le jour, mais aussi le soir et même la nuit me décourageait. En plus, cela impliquait l’annulation de bien des activités et des rendez-vous qu’il faudrait récupérer par la suite.

Qu’elle semblait loin cette parole du Christ nous invitant à prendre du repos à l’écart !

Comme pour Jésus et les apôtres, qui voient la foule les précéder à pied alors qu’eux sont en barque, le repos promis n’aura pas lieu, pas encore. En effet, comment ne pas ressentir à la vue de ces jeunes, la même compassion que Jésus, littéralement pris aux tripes par les foules qui sont « comme des brebis sans berger ».

La semaine a été difficile, éprouvante pour beaucoup, pas seulement pour nous, jésuites, pour la sœur, les bénévoles, mais aussi pour vous, fidèles, pour les touristes qui demandaient ce qui se passait et bien entendu surtout pour les jeunes eux-mêmes et les bénévoles qui les aident à garder la tête au-dessus de l’eau.

L’occupation de notre église a servi de creuset au contexte politique tendu que nous vivons en France. Il fallait tenir tête à l’extrême droite qui n’a pas manqué l’occasion pour proférer des menaces contre les jeunes migrants, mais aussi aux groupuscules d’extrême gauche qui se sont incrustés et ont tenté de récupérer la colère et la frustration des jeunes exilés à des fins polémiques.  

Et puis hier vendredi, tout est rentré dans l’ordre : les jeunes ont été « mis à l’abri » selon la formule consacrée, l’église s’est vidée, tout a été rangé et nettoyé par les bénévoles, mais aussi par plusieurs personnes engagées au service de notre sanctuaire : un grand merci à elles !  

Nous sortons « rincés » de cette semaine riche pourtant, pleine de rebondissements.  Épuisés, nous avons cependant bu au puits de la solidarité. Pour tenir le coup, il était important de rester en humble place, tout en assumant nos responsabilités, et de faire confiance au Seigneur, car Lui seul nous donnera le repos ! Ainsi pouvons-nous rendre grâce à Dieu pour ce temps d’épreuve qui nous a fait grandir dans la joie de l’Évangile !

Amen. 

Vincent Klein Sj.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *